On pensait que la frénésie de l'achat compulsif allait baisser au fil des jours, mais il n'en est rien : tous les marchés étaient bondés ce dimanche et la bousculade était rude dans la chaleur étouffante de ce mois d'août. Au bout de la première semaine de Ramadhan, la fièvre acheteuse continue à sévir sous nos latitudes, avec son corollaire la persistance des prix élevés. C'est que certains produits continuent à se faire rares, malgré tous les efforts des autorités de tutelle. Le cas le plus problématique est celui du lait, bien que la production soit passée de 1600 à 1800 tonnes par jour. La raison principale de cette relative pénurie c'est la fermeture d'une usine dont les ouvriers sont en grève depuis quelques jours. Dans nos marchés, en ce premier dimanche d'août donc, la plupart des clients râlaient, malgré les tentatives d'explication des commerçants. Au cúur du marché central, là où on trouve les fruits et légumes, un jeune vendeur ne cessait de vanter sa marchandise en chantant, avec des rimes et sur un air traditionnel, ce qui a immédiatement déclenché une réaction inattendue chez un vieux de la vieille : « si vous voyez un marchand chanter les louanges de ses produits, laissez tomber, c'est une arnaque. Un produit de qualité se vend tout seul, il n'a pas besoin de musique ! » Une opinion qui s'est révélée juste, puisque les pêches proposées par le jeune homme à 1D600 allaient se révéler dures et peu parfumées, malgré une belle couleur rouge. Les beaux fruits, eux, coûtent beaucoup plus cher : les pêches plates, très prisées par les tunisiens atteignent quatre Dinars, les raisins vont de 1D600, à 2D600, les poires et les prunes dépassent 2D500 et les bananes tournent autour de 2D500 ! Mais cette flambée des prix ne semble pas surprendre les commerçants les plus expérimentés, puisque l'un d'eux nous a affirmé : «depuis toujours, le dimanche est le jour du marché pour toutes les familles, car le reste de la semaine, les couples n'ont pas le temps de faire les commissions. Or lorsque la demande augmente, les prix montent en flèche, avec ou sans Ramadhan !» Un autre commerçant précisera que « le dimanche c'est le marché des hommes qui ont des envies comme une femme enceinte, selon un vieux proverbe tunisien. Contrairement aux femmes, ils se laissent guider par la grosseur des fruits et leur couleur. Ils achètent également de plus grandes quantités, préférant une bonne qualité, à des fruits miteux, car ils veulent en mettre plein la vue à leur femme ou à leurs invités.» Décidément certains tunisiens restent frimeurs, malgré la crise. Côté légumes, les oignons, les tomates et les piments ont augmenté ce dimanche de 200 Millimes en moyenne. Seules les pommes de terre plafonnent à 700 Millimes, ce qui reste élevé pour les petites bourses. Les citrons si prisés pour assaisonner soupes et viandes, sont plus sages cette année : on est loin des 2D300 de ramadhan dernier, pour ceux qui s'en souviennent : ils sont à 1D600 en moyenne. Plus loin, dans le couloir central, celui des fromages frais, les bousculades sont épiques et les files bien longues, à croire que la Ricotta ou le fromage sicilien sont la base de l'alimentation du tunisien, malgré des prix prohibitifs ! Une dame était d'ailleurs en train de se quereller avec le marchand, car il lui a pesé une grande quantité d'eau avec sa Ricotta. Et la scène s'est achevée par une rupture pas du tout à l'amiable, avec de nombreux noms d'oiseaux à la clé. Lundi, le marché de gros est fermé, alors les commerçants vont continuer à écouler ce qui leur reste dans les cageots : fruits gâtés, légumes fanés, poissons à la fraîcheur douteuse. Certains vont baisser leurs prix afin de les écouler plus rapidement, mais il vaut mieux attendre le mardi pour retourner devant les étals : ça vous évitera bien des désagréments, voire des intoxications.