C'est un grand classique : le dimanche, ça flambe. En effet, après l'accalmie des premiers jours de Ramadan, les prix ont connu ce dimanche une montée en flèche partout, dans tous les marchés et sur tous les étals. Même les marchands de fruits et légumes étaient d'accord pour constater cette hausse. L'un d'eux renvoie la balle vers les autres : « ce ne sont pas les agriculteurs qui font monter les prix, bien au contraire, ils sont souvent victimes du marché, au même titre que le citoyen consommateur. C'est au marché du gros que tout se décide. C'est par là qu'il faut commencer, si on veut maîtriser les prix... » Si nos tomates bien rouges et oignons bien blancs se maintiennent entre 400 et 600 millimes le kilo, les piments ont augmenté de 200 à 300 millimes en moyenne, les pommes de terre ne semblent pas vouloir descendre de leur perchoir à 750 millimes pour une qualité qui laisse à désirer. Une dame critique courageusement un marchand à la mine patibulaire : « tu nous vends des patates pleines de terre, tu pourrais les nettoyer avant... » Réponse cinglante du marchand, qui en a vu d'autres : « tu ne veux pas que j'enlève la peau aussi ? Je vous les vends comme je les achète... » La qualité est tout aussi problématique sur les étals de fruits, avec des marchands qui tentent de glisser quelques fruits gâtés et des clients qui observent ce manège avec beaucoup de contestations, bien inutiles d'ailleurs. Et si les pêches restent à un prix abordable, autour de un Dinar le kilo, d'autres fruits sont trop chers pour les familles de la classe moyenne. C'est le cas des prunes, des figues, des pêches plates, des raisins et des poires. Même les pastèques et les melons, dont le kilo varie entre 400 et 800 millimes, ne sont plus abordables, puisque leur poids est lourd et qu'ils atteignent allègrement quatre ou cinq dinars, pour ce qui n'est, en fin de compte, que de l'eau sucrée... Le plus étonnant ici, c'est le prix des dattes qui sont consommées par tradition au moment de la rupture du jeûne et qui ne descendent pas au dessous de cinq dinars le kilo pour une qualité moyenne. Les citrons, si prisés pour assaisonner soupes et grillades ont connu une forte hausse depuis quelques jours : ils commencent à deux dinars pour atteindre près de quatre dinars pour les Beldi, qui sont les plus prisés par les connaisseurs. Concernant cette hausse dominicale des prix, un marchand expérimenté nous affirme : « le dimanche c'est le jour des hommes, qui achètent avec les yeux et ne savent pas bien coordonner leurs besoins et leurs envies. Et lorsque la demande augmente, les prix montent ! » Un autre a été plus précis encore et sa théorie est encore plus étonnante : « les hommes préfèrent les fruits de bonne qualité, les plus gros, les plus beaux. Ils ne discutent pas les prix, surtout s'ils ont des invités qu'ils veulent épater... » Ramadhan, c'est aussi le mois de la frime pour certains, celui où l'on étale sa richesse, au lieu de faire l'apprentissage de la modestie et de la sobriété. Et les commerçants en profitent à fond, sans vergogne et sans penser à ceux qui ne peuvent pas dépenser autant... Hier c'était un lundi, donc pas de marché de gros. Nous avons tout de même visité certains marchés. Les marchands ont donc continué à écouler peu à peu ce qui leur restait de la veille, c'est-à-dire des restes de fruits fatigués, quelques légumes fanés, de rares poissons à l'odeur douteuse... Mais le plus incroyable, c'est que ces produits ont perdu de leur fraîcheur mais leur coût s'est maintenu au niveau de la veille, c'est-à-dire chers, si chers...