Une vue réductrice continue de marquer l'heureuse tradition mettant à profit le mois saint de Ramadan pour faire connaître le patrimoine civilisationnel national, à l'époque islamique, estiment certains citoyens informés qui reprochent à ce travail et à ceux qui y participent, une redondance inféconde dans les idées et les informations présentées et l'insistance démesurée sur la dimension orientale de la civilisation arabe et islamique, au détriment des contributions spécifiquement tunisiennes et maghrébines, en général. Pour eux, il s'agit là d'une occultation inexpliquée qui ne sert pas la cause de l'identité nationale, au sens profond du terme. Des spécialistes de l'histoire rappellent, à cet égard, que sans l'effort particulier de certaines dynasties purement nationales d'origine berbère et nord africaine, comme les Almohades (Al Mouahhidoun), entre 515 et 668 de l'hégire, 1120 et 1270 de l'ère chrétienne, l'Islam aurait reculé, voire disparu de l'Afrique du Nord, face aux menaces auxquelles cette région islamique de l'Afrique du Nord était, constamment, exposée de la part des puissances chrétiennes européennes de l'époque.
Une terre consacrée Les Tunisiens se rappellent encore, à ce propos, que la rue de la mosquée Ezzitouna dans la Capitale Tunis, où se trouve cette mosquée, s'appelait la rue de l'église, sous l'occupation française, entre 1881 et 1956, et il a fallu l'âpre combat de libération mené, durant toute cette période, par le peuple tunisien en vue de recouvrer son indépendance et restaurer les attributs de la souveraineté et de l'identité nationales, pour opérer ce changement. Justement, pour beaucoup de citoyens, à travers cette traditionnelle présentation du patrimoine civilisationnel national, à l'occasion de Ramadan, l'accent devrait être mis, en priorité, sur tout ce qui est propre à montrer et à faire valoir l'enracinement historique de l'identité nationale, dans ses dimensions tunisiennes, maghrébines et nord africaines de façon générale Contrairement aux conceptions réductrices de nos érudits actuels focalisant sur l'apport purement oriental, les anciennes sources et les livres et documents classiques de toutes sortes dont regorgent nos bibliothèques publiques, sont remplis d'éloges à l'égard de la Tunisie et de ses immenses mérites. Un hommage particulier y est rendu à la ville de Tunis et ses environs, considérée comme étant une véritable terre sainte consacrée de tout temps par la main de Dieu, et devenue, de ce fait, un haut lieu de contemplation spirituelle avidement recherché par tous les amoureux de la Vérité. Plusieurs prophètes y auraient même séjourné, selon ces écrits. Certains traités d'histoire écrits par d'anciens auteurs tunisiens mentionnent que le prophète Mohamed aurait fait nommément l'éloge de la terre tunisienne et promis l'accès direct au Paradis à tous ceux qui auraient la chance d'y servir la Cause divine.
Deux grands symboles Dans ce paysage, une place privilégiée est accordée à la mosquée Ezzitouna de Tunis et à la montagne du repentir (djebel attawba) ou montagne du Jellaz, à sa sortie sud, où s'élève le mausolée du grand saint de l'Islam Abou Hassen Chadli (décédé en 1258), renfermant la grotte sacrée où il se retirait, de son vivant, pour méditer et prier, lors de son séjour à Tunis. La ville de Tunis et les anciennes villes situées dans ses environs et constituant sa proche banlieue, sont érigées, toutes, sur des montagnes autour de mausolées de saints et de lieux consacrés depuis très longtemps, à l'instar de la mosquée Ezzitouna de Tunis, ou mosquée de l'olivier, construite au sommet d'une montagne consacrée depuis très longtemps, au même titre que les montagnes voisines, à en juger par la place spéciale dont l'olivier a toujours bénéficié, jusqu'à une époque très récente, dans les milieux populaires, en Tunisie, en Algérie, et dans les autres pays maghrébins, et qui s'apparente, par certains aspects, à un véritable culte. Les biographes de Abou Hassen Chadli rapportent que ce saint ne manquait aucune occasion pour signaler aux fidèles l'ancienneté de sa grotte comme lieu consacré et il l'appelait '' la grotte de l'ermite''. Tous les traités d'histoire signalent que les premiers contingents de musulmans venus d'Arabie saoudite et du Proche Orient en général, au début de l'Islam, pour prêcher le Coran et la nouvelle foi en Tunisie, ont trouvé beaucoup de temples et de sanctuaires religieux élevés sur les différentes montagnes de la région de Tunis, dont des sanctuaires sur la montagne du repentir et un autre sur l'emplacement de la mosquée Ezzitouna. De son côté, dans sa chronique universelle, le grand historien arabe et tunisien Ibn Khaldoun affirme, dans le premier livre de cette chronique, en parfaite concordance avec d'autres éminents historiens arabes classiques,que certaines grandes mosquées de l'Islam, comme la grande mosquée de Damas, en Syrie, et la mosquée du Dôme du Rocher, ou mosquée d'Omar, dans la ville d'Al Qods, en Palestine, étaient, à l'origine, des temples religieux, dédiés à la divinité, et dont certains avaient été reconvertis en églises, avant d'être transformés en mosquées par les musulmans.
Ancienneté historique Il est communément admis que les grandes villes historiques et tous les anciens endroits habités sur la terre avaient été édifiés sur des lieux consacrés autour de quelques vieux temples et sanctuaires religieux. En Arabie, la sainte ville de la Mecque, entourée de nombreuses montagnes garnies de grottes consacrées, avait été élevée autour du temple d'Allah, la Kâaba, appelée aussi la vieille demeure, qui est le plus ancien sanctuaire religieux construit sur la terre, à la gloire d'Allah, et encore existant, pratiquement, en l'état architectural où il avait été édifié, à ses débuts. A ce titre, la ville de la Mecque est l'un des plus anciens établissements humains sur terre, voire le plus ancien, du moins dans la région. C'est dans l'une de ces grottes consacrées des montagnes situées aux environs de la Mecque, appelée '' la grotte de H'ira'', que le Coran a été révélé au prophète Mohamed, il y a près de 14 siècles, pendant le mois de Ramadan, un des quatre mois sacrés du calendrier chez les arabes, depuis les époques reculées. A travers la mosquée Ezzitouna et les autres anciens lieux consacrés signalés, qui jalonnent son sol, la ville de Tunis peut aussi revendiquer le statut d'être l'un des plus anciens établissements humains sur terre. Or, elle portait de tout temps le nom de Tunis, ou Tounès, sans doute d'après le nom des premiers groupes d'hommes qui l'avaient habitée. D'autant que d'autres lieux habités, en Tunisie, portent encore, ce même nom, sous diverses formes, comme la localité de Tyna, près de la ville de Sfax, sur la côte, plus au Sud. Concordance étonnante, d'après des anciens chroniqueurs tunisiens, il existait autrefois près de la ville de Tunis, justement du côté de la montagne du repentir ou montagne du Jellaz, une rivière qui portait un nom sonnant comme celui de Sfax, et tiré probablement de l'ancien nom générique des rivières en langue libyque et berbère ( acif et souf). Ces faits incontestables laissent supposer que la Tunisie a toujours été habitée depuis très longtemps, par des gens qui s'appelaient justement '' les Tunisiens'' et que ce sont eux qui ont donné leur nom au pays.