Lorsque, six ans en arrière, les défenseurs du dirigisme économique, avertirent les ultra-libéraux qu'une bulle allait éclater et que la finance mondiale entrerait dans une phase d'auto-destruction, on y décela des prétextes pour un retour d'Etat. La dérégularisation s'érigeait, en effet, en modèle de gestion financière; modèle institué par des banques (américaines essentiellement) jonglant avec les taux directeurs et cela même alors que la FED (la mythique Réserve Fédérale) révélait (comme en 1929) son impuissance à protéger sa seigneurie le dollar, dégageant l'odeur âcre de fin d'empire. La crise frappait ainsi de plein fouet les nations dont l'économie et les finances avaient renoncé aux repères classiques, versant dans un libéralisme décapant, conçu pour que les riches raflent toutes les mises. Dangereux en effet, pour un pays, lorsque les leviers de l'économie sont concentrés entre les mains de castes, de groupements d'intérêts équivoques sinon dans ces holdings qui font et défont le monde selon les courbes de leurs bénéfices. En fait les gouvernements ont laissé la situation pourrir... quitte à renoncer aux élémentaires règles prudentielles. Comment la Tunisie a-t-elle résisté au cataclysme mondial? Il y a d'abord l'adéquation entre le social et l'économique. Il y a aussi une bonne part de réalisme vigilant en renonçant à aller sur les marchés étrangers des capitaux. Il y a, bien sûr, cet œil alerte sur le marché financier pour que nous n'ayons plus à faire face à une affaire BATAM. Mais il y a surtout, surtout, un traitement efficace, impartial de l'épineuse question des créances accrochées. Si les banques en ont récupéré une bonne proportion, c'est aussi parce que la réglementation établie par la Banque Centrale se révèle être aujourd'hui une main de fer dans un gant de velours. Dirigisme d'Etat? Etat régulateur? Si le gouverneur de la BCT parle de capacité du gardien du temple à assurer aussi bien le volet macro-prudentiel que le volet micro-prudentiel, cela découle d'un rapport pudique des Tunisiens à l'argent, et de la conviction que le monde de la finance est trop dangereux pour jouer aux électrons libres.