Une affaire à deux têtes, ou plutôt épisodique, dans ce sens qu'elle s'est déroulée sur deux temps, nous permettant par là-même de découvrir ce courage dont a fait preuve la victime, et surtout son sens de l'observation pratiquement infaillible qui lui a permis de reconnaître son bourreau cinq mois plus tard et...procéder à son arrestation ! C'est en effet la victime, une jeune fille de vingt-six ans, qui a joué le rôle du policier, ou si on veut celui du justicier ! A leur première rencontre, la fille n'était pourtant pas aussi téméraire, elle fut au contraire effrayée et pratiquement paralysée à l'apparition du type qui l'a surprise alors qu'elle traversait une petite ruelle pour rejoindre le domicile parental, à l'issue de sa séance de travail terminée peu après le crépuscule. Une apparition subite, un couteau brandi par une main, somme toute assurée dans de telles circonstances, et une mine patibulaire à foutre la trouille. Il ne fallait pas plus pour donner la chair de poule à la jeune fille, laquelle s'est littéralement mise à trembler à la vue de la lame luisante au clair de la lune. Une manne du ciel cette clarté qui aura à jouer un rôle prépondérant dans le dénouement de la présente affaire, comme on va le constater. En tout cas, sur le moment, l'assaillant avait bénéficié de plusieurs avantages, entre autres celui de l'effet de la surprise, très important, ensuite celui de la semi-pénombre et, enfin, l'état d'esprit de la passante, totalement prise au dépourvu, du moment qu'elle ne s'attendait pas à se voir attaquer sur un bout de terrain qui lui était coutumier, pour l'avoir emprunté tous les jours. Elle n'était, de surcroît, qu'à quelques encablures du toit parental, donc de son logis. L'individu aurait profité de toute façon au maximum de son avantage afin de passer à l'action, s'empressant d'appliquer le couteau sur la gorge de sa captive qui eut un brusque mouvement de recul, jusqu'allant s'aplatir dos au mur. Logique pour une jeune fille en face d'un gus déterminé, capable donc de tout pour arriver à ses fins. Arrivé à ce stade, il lui était désormais aisé d'agir en toute quiétude, commençant par ordonner à sa victime de lui filer son collier qui ornait sa poitrine, avant d'enchaîner avec la somme d'argent contenue dans le sac à main, ainsi que l'inévitable portable. Pour terminer, il l'a soulagée d'une bague et une paire de gourmettes. En proie à une peur bleue, la fille fut toutefois presque heureuse en voyant son agresseur se retirer, content de sa prise. Mais elle n'a pas manqué cependant de s'empresser vers le poste de police de la localité afin de déposer plainte, donnant au passage la description du malfaiteur qui l'a attaquée. Or, malgré tous leurs efforts, les enquêteurs n'ont pu mettre la main sur le criminel qui leur était manifestement inconnu, peut-être en était-il à son premier coup. Mais ce n'était que partie remise, dans la mesure où quelque temps après, cinq mois pour être exact, une formidable coïncidence changera le cours de l'affaire. Un jour, en effet, la jeune fille était de passage aux alentours d'une station de bus, lorsqu'elle a aperçu son agresseur. Sans la moindre hésitation, s'est-elle alors jeté sur lui, telle une "vieille squaw tenant un chenapan", tout en mettant à rude épreuve ses cordes vocales, le moyen le plus sûr pour ameuter les présents. Deux auxiliaires de la justice, en civil, étaient d'ailleurs présents, se chargeant ainsi d'arrêter le malfaiteur afin de l'amener vers le poste le plus proche. Passé récemment en jugement, le bonhomme a été condamné à deux ans de prison ferme...