* En 2009, la famille tunisienne a réservé 3,7 % de son budget au secteur des communications Lexique enrichi et ridicules déformations. Il y a moins de 15 ans, des verbes comme "charger", "recharger", patcher, vibrer, graver, tchatter, surfer, faxer, déverrouiller, débloquer n'existaient presque pas dans les discours quotidiens des Tunisiens. Les substantifs "réseau", "message", "appel", renvoi, mémoire, code, ligne étaient d'un usage extrêmement limité. Personne n'employait les anglicismes "facebook", "blog", light, play, et des abréviations comme CD, DVD, SMS, MMS, MP, PC, MSN, USB, nous étaient complètement inconnues. On n'avait absolument aucune idée de cette écriture nouvelle où les chiffres de 1 à 9 correspondent à des phonèmes bien déterminées. Aujourd'hui, c'est devenu d'un commun et d'un banal étonnants. Il ne se passe pas une journée, non, une heure sans que l'un de nous ne hasarde au milieu d'une conversation l'un des vocables suivants (la liste est vraiment sélective): appel, message, light, réseau, puce, portable, chargeur, parabole, commande ou télécommande, site, mail, satellite, carte mémoire. Avec bien entendu les déformations prévisibles du genre "appène" pour "appel", "chargeaire" pour "chargeur", "fibreur pour vibreur, maine au liei de mail, barabo pour parabole, rézou pour réseau. Et l'arabisation de plusieurs termes à l'instar de " m'vériès" pour les appareils ou les systèmes porteurs de virus électroniques, "echcharge", el fix", yegravi, y chatti etc. mobiles, les récepteurs numériques et électroniques, les consoles de jeux et les ordinateurs ont investi un nombre toujours croissant de maisons. Cette fulgurante invasion ne laissa pas de métamorphoser les habitudes de nos concitoyens. Les changements notables qu'elle a introduits dans leurs vies sont visibles notamment au niveau de leur langage désormais enrichi de glossaires nouveaux, dans leurs charges financières alourdies par de nouvelles dépenses et sur le plan de leurs relations familiales et sociales marquées par des attitudes et des conflits inhabituels. Adieu les annuaires et les montres-réveils L'utilisation quasi permanente des portables et des ordinateurs a totalement ou en partie annulé l'usage de certains objets autrefois indispensables dans nos foyers: les pendules et les réveils ne servent désormais plus que comme éléments de décoration. Pour savoir l'heure ou fixer celle de son réveil, on a des options sur le portable et l'ordinateur qui rendent ces services sans nous causer de dérangements, ni nous imposer le moindre déplacement. Le portable a par ailleurs surclassé l'annuaire, ce bottin que la Poste nous vendait autrefois à plus de 10 dinars. Aujourd'hui, les annuaires sont distribués gratuitement sans que personne n'en éprouve vraiment la nécessité. En effet, chacun de nous dispose désormais de son propre annuaire qu'il porte sur lui, dans le répertoire de son téléphone mobile. Sur la carte mémoire de l'appareil sont enregistrées des centaines de numéros qu'on peut changer à loisir. Il s'agit des numéros des personnes les plus proches ou les plus sollicitées. Mais on peut rencontrer sur la même liste des numéros insolites comme ceux des émissions de jeux radiophoniques ou télévisées, ou ceux des concours organisés à la télé ou ailleurs. Il va sans dire qu'on oublie rarement de mémoriser les numéros des techniciens installateurs ou réparateurs d'appareils numériques, électroniques ou informatiques.. Concernant les adresses "spatiales" des correspondants, elles peuvent elles aussi être enregistrées sur le portable, mais la vogue actuelle est aux adresses-mail dont on remplit la mémoire de son ordinateur. D'autre part et grâce aux contacts établis via le face-book, le nombre des adresses individuelles et collectives (locales et internationales) augmente à une vitesse effrénée. Le téléphone fixe est lui aussi en déroute face au mobile: à preuve ce dernier chiffre communiqué récemment par le ministère des technologies de la communication et qui nous apprend que sur les 10,3 millions de postes utilisés dans le pays, plus de 9 millions sont des portables! Nouveaux "déchets" domestiques En plus des factures traditionnelles (STEG, SONEDE, TELECOM), le Tunisien paie aussi celle de son abonnement annuel ou semestriel à Internet. Quotidiennement ou plus d'une fois par semaine, il recharge son portable. A ce propos, en 2009, la famille tunisienne a réservé 3,7 % de son budget au secteur des communications. D'autres dépenses s'imposent de plus en plus aux adeptes de la nouvelle technologie numérique et électronique, notamment aux plus jeunes d'entre eux, comme les différents types de téléchargements musicaux, l'achat de cages pour les appareils, le coût de la réparation, du déverrouillage ou du renouvellement des chargeurs. A ce propos, parmi les nouveaux "déchets" domestiques, on découvre que les batteries et les chargeurs des téléphones mobiles figurent en bonne place. On renouvelle également, par une sorte de vice du changement frénétique, les portables, les lignes téléphoniques, les récepteurs, les MP, les USB, les Plays, les DVD. On achète régulièrement de nouveaux CD et l'on "tchatte" à longueur de journée dans les 800 Publinet que compte la Tunisie. On subit en même temps toutes sortes de hausses de prix et d'arnaques possibles et imaginables de la part des opérateurs ou des "bricoleurs" des temps modernes. On doit s'attendre aussi à être soulagé de son portable en particulier lorsqu'il s'agit d'un produit de marque. Dans les dix dernières années, ce type de larcins est sans doute le plus commun en Tunisie. Des délits nouveaux On entend de plus en plus parler aujourd'hui de vexations commises sur le portable. Certaines affaires sont même portées devant les tribunaux et coûtent des peines plus ou moins lourdes aux auteurs des nouveaux délits. Bien que les textos ne soient pas encore tenus pour des pièces à conviction fiables, ils sont cités par quelques avocats dans leurs plaidoiries. Au sein des familles, des litiges d'un genre nouveau éclatent entre le mari et son épouse et entre les parents et leurs enfants à cause des appels et des messages téléphoniques, ou bien à propos de certains numéros inscrits sur le répertoire, ou encore pour la navigation sur les sites électroniques indécents. Par ailleurs, on fait de plus en plus de rencontres grâce à l'Internet et qui sait si plus tard de pareilles liaisons ne s'achèvent pas devant monsieur le Maire ! Badreddine Ben Henda Badreddine BEN HENDA ----------------------------------------- Chiffres clés * Notre parc ordinateurs est aujourd'hui de plus de 1.110 postes. * Le nombre des internautes tunisiens est de 3, 2 millions * On utilise en Tunisie 10,3 millions de postes de téléphones dont 9, 07 millions sont des portables * La densité téléphonique dans notre pays est de 98,8 % * 3,7 % du budget des familles tunisiennes sont réservés aux communications.