Les émoluments annuels d'un dirigeant d'entreprise privée varient entre 100 et 120 mille dinars * « Mal payés » les dirigeants des entreprises publiques : émoluments mensuels entre 1200 et 5000 dinars L'Institut arabe des chefs d'entreprise (IACE) a organsié hier, à son siège à la Maison de l'entreprise, aux Berges du Lac, un atelier de travail sur ‘'la rémunération des dirigeants des entreprises économiques en Tunisie'', sujet devenu d'actualité brûlante, dans les divers pays du monde, dans le sillage de la crise économique et financière mondiale. Il suscite, partout, un débat à la fois délicat et épineux, et des projets de solutions propres à chaque pays, à défaut d'un consensus international sur ce point ainsi que sur tous les autres problèmes et disfonctionnements ayant généré la crise. Aussi, selon M. Chékib Nouira, ce séminaire vise notamment à apprécier la situation particulière de la Tunisie, dans ce domaine, par rapport à celles prévalant dans les autres pays, concernant le niveau des rémunérations des dirigeants sociaux d'entreprises, c'est-à-dire les PDG, les directeurs généraux et en général, les personnes investies du pouvoir de gérer, d'administrer, de diriger ou de représenter des entreprises économiques ou sociétés commerciales telles qu'elles sont appelées juridiquement. Les dirigeants sociaux diffèrent, ainsi, des salariés des entreprises qui sont subordonnés à ces dirigeants et travaillent dans les entreprises en vertu d'un contrat de travail, moyennant un salaire légal, conformément aux dispositions du Code du travail. Par contre, la fixation des émoluments des dirigeants sociaux est libre, dans la plupart des cas, ou constitue une affaire interne qui intéresse le Conseil d'Administration et l'Assemblée générale de la société. Faut-il continuer d'appliquer ce principe de liberté et d'auto- régulation ou édicter des mesures juridiques de régulation ? Situation particulière de la Tunisie Or, avant le déclenchement de la crise, la Tunisie avait déjà ressenti le besoin de réguler et d'encadrer juridiquement la question de la rémunération des directeurs et administrateurs des entreprises économiques dans la nouvelle version du Code des sociétés commerciales adoptée en mars 2009. Cette nouvelle version comporte des dispositions définissant les procédures de fixation des rémunérations des dirigeants sociaux des entreprises économiques ou sociétés commerciales, de manière à garantir la transparence et la bonne gouvernance des entreprises économiques en Tunisie, sans s'attaquer à l'aspect relatif au montant. Par contre, ce montant est plafonné en Russie et en Chine, mais sa fixation reste libre aux Etats-Unis d'Amérique et dans les pays européens, en général. La situation de la Tunisie dans ce domaine revêt certains traits particuliers qui militent en faveur de cette orientation, car, comme l'a dit M.Ahmed Ouerfelli, juge chercheur au Centre des études juridiques et judiciaires, dans une intervention sur le régime juridique de la rémunération des dirigeants sociaux en Tunisie, la législation tunisienne est progressive et évolue en fonction des besoins et des changements du contexte. Présentant les résultats d'une enquête effectuée à ce sujet auprès de 180 entreprises tunisiennes des divers secteurs de la catégorie des SA ( sociétés anonymes) dont des sociétés cotées en Bourse, M. Hassen Zargouni, consultant, a rappelé que plus de 90% des entreprises tunisiennes sont des entreprises familiales dont le directeur ou le manager est en même le propriétaire de l'entreprise. La problématique de la rémunération des dirigeants des entreprises économiques concerne particulièrement les entreprises publiques et celles détenues par plusieurs actionnaires. Elle intéresse plus spécialement les systèmes économiques fondés essentiellement sur l'actionnariat, ce qui n'est pas encore le cas en Tunisie. C'est plutôt la transparence et la bonne gouvernance qui deviennent importantes dans un système économique comme celui de la Tunisie où les managers sont les propriétaires de l'entreprise, telle que la communication du montant des rémunérations et dans ce domaine, le Code des sociétés commerciales prévoit des mécanismes dans ce but. Ainsi, un actionnaire a le droit de poser deux questions au directeur de l'entreprise par an, sur divers aspects des activités de l'entreprise dont le montant de ses émoluments. Etat des lieux et rémunération incitative D'ailleurs, les gouvernements des Etats-Unis d'Amérique et des pays européens se sont intéressés à la question de la rémunération des dirigeants des entreprises, jugées très élevées et exagérées, lorsque les pouvoirs publics dans ces pays ont été amenés à venir en aide aux banques et entreprises occidentales en difficultés et à leur accorder des prêts publics pour leur permettre de surmonter ces difficultés. En contre- partie de cette aide publique, les gouvernements occidentaux ont exigé des banques et des entreprises secourues de réguler leurs actions. Ainsi, aux Etats-Unis d'Amérique, les émoluments d'un dirigeant d'entreprise peuvent atteindre 530 fois le salaire de base versé à un salarié. En Grande- Bretagne, la rémunération d'un dirigeant d'entreprise peut atteindre 600 fois le salaire minimum et en France 540 fois. En Tunisie, la rémunération d'un dirigeant d'entreprise varie entre 25 et 50 fois le salaire minimum. La rémunération annuelle maximale d'un dirigeant d'entreprise atteint 360 mille dinars, en Tunisie mais en moyenne, cette rémunération varie entre 120 mille et 100 mille. Par contre, les dirigeants des entreprises publiques sont ‘'mal payés ‘' en Tunisie. Leurs émoluments mensuels varient entre 1200 dinars et 5000 dinars, et ce y compris les banques nationales où l'Etat détient la majorité du Capital. Les mieux nantis sont les dirigeants des entreprises du secteur pétrolier, suivis par ceux du secteur bancaire, des matériaux de construction, comme les cimenteries et en général, ce sont les dirigeants des entreprises opérant dans le secteur de l'industrie et des services qui sont les mieux payés. Au cours de la même séance présidée par le spécialiste connu, Fayçal Derbal, les participants ont écouté aussi une conférence donnée par l'universitaire Faouzi Jilani sur la rémunération des dirigeants sociaux et la gouvernance des entreprises, dans laquelle il a évoqué la notion de rémunération incitative qui reçoit un appui général de la part des politiciens et des économistes. Le principe de base de la rémunération incitative consiste à lier la rémunération des dirigeants des entreprises à leurs performances au sens large du terme, autant en ce qui concerne leur contribution à la croissance économique de l'entreprise à court, moyen et long terme, qu'en ce qui concerne leur engagement au plan social et environnemental, entre autres.