Le Centre d'Etudes de Carthage a organisé mercredi 17 février en collaboration avec l'Institut Français de Coopération une conférence avec projection d'un film documentaire sur Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. La conférencière, Madeleine Gobeil Noêl, venue du Canada, a évoqué dans ce film intitulé « Portrait croisé » ses relations avec Simone de Beauvoir et Sartre. La projection fut précédée par une conférence d'une demie heure où elle a présenté aux assistants le contenu du film et les circonstances qui ont contribué à sa réalisation et qui remontent à la fin des années 60, alors que la documentariste, encore jeune, se liait d'une grande amitié avec le couple. D'ailleurs, elle jouait le rôle de la journaliste qui avait suivi le couple dans sa vie quotidienne, littéraire et intellectuelle. Des souvenirs inébranlables Dans sa conférence, Madeleine Gobeil Noêl, qui se considère comme un témoin oculaire qui a longtemps côtoyé le couple en France, a évoqué des expériences vécues et des souvenirs qui, selon elle, sont restés inébranlables, et dont elle parla avec une profonde émotion. Mme Madeleine Gobeil avait quinze ans quand elle entamait une correspondance avec Simone de Beauvoir dont elle fit la connaissance en 1958. Elle a insisté sur le rôle joué par cette dernière dans le mouvement féministe français, son parcours avec Sartre et son œuvre marquée surtout par les deux ouvrages les plus importants : « Mémoires d'une jeune fille rangée » et « Le deuxième sexe » qui ont suscité de nombreuses controverses à l'époque. Elle a également parlé de l'engagement politique de Sartre, notamment de son opposition à la guerre d'Algérie et du Vietnam. Elle nous a fait découvrir le côté caché de la vie de ce couple uni plutôt intellectuellement que maritalement, ce côté qui est resté longtemps ignoré par le public qui en avait une image idéalisée de ce couple. Pourtant, cette union n'était pas exempte de certains vices ou défauts présenté par l'un ou l'autre. D'ailleurs, « la publication de leur correspondance (Lettres au Castor en 1983 et Lettres à Sartre en 1990) causa un grand choc, le lecteur découvrant que derrière l'image du couple réinventé et libre étaient en fait dissimulés perversité, mensonge et voyeurisme. » Cependant, le couple est resté inséparable durant plus de cinquante ans, au point que leur union fut presque une fatalité. Cette union que Sartre avait un jour évoqué en ces termes : « Sartre ne peut se concevoir sans Beauvoir, ni Beauvoir sans Sartre » et Simone de Beauvoir, à son tour, s'est exprimée à propos de cette union à la fin de son livre « Mémoires d'une jeune fille rangée » en ces mots : « Sartre répondait exactement au voeu des mes quinze ans : il était le double en qui je retrouvais, portées à l'incandescence, toutes mes manies. Avec lui, je pourrais toujours tout partager. Quand je le quittai au début d'août, je savais que plus jamais il ne sortirait de ma vie. » Le rôle de l'intellectuel dans le monde Le film est une suite d'entrevues que la journaliste a réalisées avec ces deux intellectuels français, tantôt séparément, tantôt ensemble. Madeleine Gobeil Noêl étant très proche du couple, les conversations s'étaient déroulées dans la totale convivialité : ses deux interlocuteurs lui parlant sans aucune réserve ni embarras. Ce film a été réalisé en 1967 par Max Cacopardo et Madeleine Gobeil, alors jeune Professeur- assistant de littérature à l'Université Carleton d'Ottawa, pour Radio-Canada et sa série de «dossiers». Il s'agit d'une présentation de l'aventure intellectuelle de ce couple écrivain qui a tant marqué son époque par ses idées et ses engagements pour des causes sociales et politiques. Dans ce film, Sartre s'explique sur le rôle de l'intellectuel dans le monde. Il explique les raisons pour lesquelles il a refusé le prix Nobel de littérature et relate son engagement pour la paix et l'indépendance du Vietnam. De son côté, Simone de Beauvoir évoque son passé et son parcours notamment à travers ces deux œuvres : « Le Deuxième Sexe » et ses « Mémoires d'une jeune fille rangée ». A noter que les entretiens réalisés dans ce film ont été menés par Madeleine Gobeil et Claude Lanzmann qui était à l'époque directeur de la revue «Les temps modernes». Après la projection, Madeleine Gobeil Noêl a répondu aux questions des assistants qui étaient venus très nombreux cet après midi dans la salle du Centre d'Etudes de Carthage.