Par : Ridha KEFI Mardi, trois kamikazes se sont fait exploser, à la suite d'une descente de police dans un quartier populeux de Casablanca, alors qu'un quatrième a été abattu avant d'actionner ses charges (4 morts, dont un policier). Selon les forces de sécurité, une quarantaine de terroristes ont été arrêtés au cours du dernier mois et une douzaine d'autres sont cachés dans la capitale économique du royaume. Recherchés dans le cadre des enquêtes sur les attentats de Casablanca en 2003 et celui du 11 mars dans un cybercafé de la même ville, ces derniers pourraient entrer en action à tout moment. Mercredi, Alger a été, à son tour, le théâtre de deux attentats presque simultanés, à l'entrée du Palais du gouvernement, dans le centre-ville, et à Bab Ezzouar, sur la route de l'aéroport (24 morts, dont les trois kamikazes, et 222 blessés), qui ont été revendiqués par l'Organisation d'Al-Qaïda au pays du Maghreb islamique, la nouvelle dénomination du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). Depuis le début du mois, les attaques terroristes ont fait, dans le pays, au moins 33 morts, alors que les forces de l'ordre poursuivent leurs chasses des éléments armés réfugiés dans les zones boisées de Kabylie, à l'Est d'Alger. Notre pays, qui a connu lui aussi, du 24 décembre au 3 janvier, au sud de Tunis, une série d'accrochages entre les forces de l'ordre et des djihadistes, en partie infiltrés de l'Algérie, ne peut rester indifférent à ce regain de violence dans la région. D'autant que les événements de Soliman, qui se sont soldés par la mort de 12 terroristes et l'arrestation de 15 autres, ont donné lieu à des centaines d'arrestations dans les milieux salafistes et plusieurs procès pour constitution de groupes terroristes. Devrions-nous cependant nous alarmer outre mesure et décréter, comme certains médias européens, que le Maghreb est infesté d'activistes d'Al-Qaïda et qu'il est devenu, de ce fait, une destination dangereuse pour les visiteurs occidentaux ? Non, bien sûr, le Maghreb, n'est pas moins sécurisé aujourd'hui que l'Europe, l'Amérique ou l'Asie. De même, Tunis, Alger et Casablanca sont des métropoles où il fait bon vivre et où l'art, le sport ou le business s'exercent en toute quiétude, autant qu'à Paris, New York, Madrid ou Londres, qui ont souvent été frappés par le terrorisme. Ne pas s'alarmer ne signifie pas minimiser la menace terroriste dans notre région. Car, le Maghreb, autant que le Moyen-Orient, l'Asie centrale ou l'Europe, est aujourd'hui dans l'œil du cyclone djihadiste. Des groupes terroristes plus ou moins organisés s'y sont constitués au cours des dernières années. Générant de manière quasi-spontanée, ces groupes ont trouvé dans les errements de la politique américaine au Moyen-Orient et dans le choc entre l'Occident et le monde musulman, alimenté par les ultras des deux côtés, ainsi que dans les blocages politiques et les difficultés socio-économiques internes, des arguments pour embrigader des jeunes en perte de repère - et en mal d'espérance - et pour les enrouler dans la cause du djihad. De ce point de vue, le Maghreb, pas plus que les autres régions du monde, subit les contrecoups d'une globalisation inéquitable et souvent à sens unique, marquée par un partage inégal des richesses entre le Nord et le Sud et par une domination militaire écrasante de l'Occident. Donc, ne paniquons pas ! Ne fut-ce que pour ne pas donner raison à ceux qui cherchent à nous terroriser. Mais restons vigilants tout de même ! Car, la lutte anti-terroriste n'est pas l'apanage des forces de sécurité. Celles-ci en sont certes les premières responsables, mais nous en sommes tous concernés. A commencer par les journalistes et hommes des médias, qui doivent cesser de glorifier la ''shahada'' (martyre), fut-elle pour une cause juste, de banaliser la ''mouqawama mousallaha'' (résistance armée) et de justifier ainsi, sans le vouloir, au regard des jeunes, le recours aux armes pour régler les problèmes. De même, des mots comme ''salam'' (paix), ''moubahathat'' (pourparlers) ''moufawadhat'' (négociations) ou ''hiwar'' (dialogue) devraient-ils avoir un sens un peu plus positif dans nos commentaires, et non pas raillés et dépréciés, comme ils le sont aujourd'hui, dans une certaine presse qui, sous prétexte de nationalisme arabe, ne fait qu'alimenter l'extrémisme islamiste.