On a tendance à croire, dans certains milieux de chez nous, que la colonie d'immigrés tunisiens résidant ou / et travaillant en France n'est composée que d'ouvriers. Or, depuis quelques décennies, la présence tunisienne en France s'est enrichie de compétences supérieures très prisées. Aujourd'hui, la population qui nous représente à l'intérieur de l'Hexagone est relativement faible du point de vue nombre (près de 580.000 personnes) mais elle compte parmi ses rangs une élite d'étudiants (presque 11.000), de chercheurs, d'hommes de lettres et d'artistes. Dans le présent article, qui s'inspire largement des données publiées par l'Association Tunisienne des Membres de l'Ordre des Palmes Académiques (ATMOPA) **, nous tentons de donner un aperçu plus ou moins détaillé sur les principales compétences que nous avons actuellement en partage avec la France. L'occasion est plus que propice, puisque nous célébrons le 54ème anniversaire de l'Indépendance de la Tunisie, pour souligner les nouveaux rapports de coopération et d'entraide que nous entretenons avec l'ancien colon et pour rendre hommage à la fine fleur de nos émigrés qui nous honore ou qui nous a honorés en terre française . Le génie tunisien Nombreux sont ceux de nos concitoyens et même parmi la population immigrée qui ignorent l'existence de l'Association des chercheurs et enseignants tunisiens en France (ACETEF). Créée le 8 février 1992 à Paris, cette association regroupe plus d'une centaine de membres appartenant aux établissements de recherches, publics et privés, des universités et des grandes écoles françaises et qui s'illustrent dans divers disciplines comme l'agroalimentaire, l'architecture, la biochimie, la biologie moléculaire et cellulaire, la chimie, l'électronique, la finance, la génétique, la physique, le génie des procédés, l'immunologie, les mathématiques, la médecine, la mécanique, l'océanographie, l'histoire, la psychologie et la sociologie. L'ACETEF organise en France et en Tunisie des colloques, des séminaires, des congrès et des écoles d'étés. Son premier forum s'est tenu en 1996 à Hammamet. Le fondateur de l'association est le regretté Fakhreddine Ben Hamida (directeur de recherches au CNRS) et son actuel président est Abdelaziz Chikhaoui, professeur des Universités. L'un de nos chercheurs les plus distingués en France est l'éminent physicien Salah Jaïdane, âgé aujourd'hui de 72 ans. Sa carrière d'enseignant et de chercheur fut exceptionnelle, ses expériences sur les accélérateurs du futur ont permis à la science mondiale d'avancer. Ses cours ont donné lieu à des manuels pédagogiques qui furent adoptées dans les institutions françaises concernées (Introduction de l'électronique dans l'enseignement, recueil de cours d'électronique pour la licence, recueil de travaux dirigés avec corrigés. Autre professeur chercheur tunisien qui a enseigné dans les universités françaises, Mohamed Marrakchi, décédé en avril 2008, et qui est considéré comme le père de la génétique moléculaire en Tunisie. On lui doit également le laboratoire de microbiologie et de biotechnologie qu'il a créé dans son pays natal, il y a une trentaine d'années. Arts et littérature Dans le domaine littéraire, on peut citer parmi les écrivains francophones Hachémi Baccouche, Abdelwahab Meddeb, Hélé Béji et Faouzia Zouari qui ont longtemps vécu en France et dont les œuvres portent la trace de leur « exil » choisi. Mais peut-être que la Tunisie est encore plus présente dans les récits de Claude Kayat, écrivain juif tunisien, né à Sfax en 1939. Il est connu pour être l'auteur du roman Mohammed Cohen, publié en 1981 chez Seuil (ce qui n'est pas rien déjà) et qui fut très favorablement accueilli par la critique parisienne. Mais Claude Kayat continue toujours d'écrire des romans dont en particulier, Le rêve d'Esther, Le Cyprès de Tibériade et La Synagogue de Sfax. Dans le domaine des arts, la Tunisie a en la personne de Mouna Karray, photographe et installatrice née à Sfax et vivant actuellement à Paris, une belle illustration de finesse et de subtilité. On n'oubliera pas non plus l'œuvre remarquable du regretté Abderrazak Sahli, artiste plasticien qui a passé de longues années en France avant de nous quitter en 2009. Dans le champ musical, notre célèbre compositeur et musicologue Mohamed Garfi affirme que nous avons là aussi de dignes représentants qui participent activement à la vie musicale que ce soit dans les studios d'enregistrement ou sur les scènes françaises et européennes. Parmi les plus renommés, l'excellent bassiste, Naceur Mekkaoui (alias Ness), émigré en France depuis le début des années 70, et qui est actuellement sollicité par les groupes les plus prestigieux d'Europe et d'Amérique ; Mohamed Makni, premier violoniste tuttiste à l'Orchestre du Capitole de Toulouse ; Fayçal Karoui, chef d'orchestre, premier prix de direction d'orchestre au Conservatoire National Supérieur de Musique (CNSM) de Paris. En 2006, il a été choisi pour devenir le cinquième directeur du New York City Ballet. D'autres jeunes instrumentistes sont promis à une belle carrière comme les trois Garfi, Chédi, Issam et Nadim, Mannoubia Kéfi, Wissem Ben Ammar, Yacine Boularès, Saloua Daouès et Mariem Labbène. La grande classe ! Dans l'univers de la mode, il faut rendre hommage à trois Tunisiens qui se sont fait un nom parmi les plus célèbres couturiers ou décorateurs français et mondiaux : il s'agit d'abord de l'incontournable Azzeddine Alaya, né à Bab Souika en 1935. La garde-robe spectaculaire qu'il crée en 1985 pour la chanteuse Grâce Jones le rend très célèbre. Récompensé par 2 oscars de la mode en 1986, Azzeddine Alaya compte parmi ses clientes, depuis 2002, l'épouse de Barak Obama. Leila Menchari est une amie d'Azzeddine Alaya qui la fait entrer dans le milieu de la haute couture. Native de Bab El Assal, elle étudie les Beaux-Arts à Tunis, puis poursuit ses études supérieures à Paris où Guy Laroche l'engage comme mannequin. Sa rencontre avec Annie Beaumel chez Hermès l'oriente vers le dessin et la décoration. En 1978, elle est première décoratrice de cette prestigieuse maison et depuis cette date, elle réalise annuellement quatre décors pour les vitrines Hermès. Hédi Slimane, quant à lui, n'a suivi aucune formation particulière, mais il a sans doute hérité sa vocation de sa mère italienne qui exerçait la couture. En juillet 1997, Hédi Slimane est nommé directeur artistique d'Yves Saint-Laurent Rive Gauche Homme et, en 2002, il devient directeur de création chez Christian Dior. La même année il est consacré Designer de l'année.