Espionnage, extorsion, enlèvements, attaques à main armée... En 2008-2009, les entreprises ont dû affronter pas moins de trente-cinq formes différentes d'actes criminels, selon une enquête exhaustive menée pour la première fois par l'Ecole des hautes études commerciales (Edhec) et le Club des directeurs de la sécurité des entreprises (CDSE). Ce Panorama 2008-2009 des crimes commis contre les entreprises repose sur les réponses de 82 entreprises (des PME de 500 salariés aux multinationales de plus de 100 000 salariés) à un questionnaire. Il fait apparaître que le spectre des malveillances s'est considérablement élargi à la faveur de la mondialisation. Certes, le salarié demeure le premier prédateur par les vols de produits ou d'équipement (84 % de réponses positives), les fraudes financières (67 %) et même les piratages informatiques (39 %) qui ont souvent une origine interne. Mais la contrefaçon (34 %), l'extorsion et le racket (30 %) semblent inscrits désormais au registre des dommages courants. "Au moins un tiers des entreprises répondantes ont subi l'un des outrages suivants : attaques armées contre des sites industriels (34 %), espionnage (34 %), usurpation de l'identité de l'entreprise (33 %) et piraterie routière (33 %)." Les auteurs de l'étude estiment que le danger d'"espionnage" est minimisé dans la mesure où toutes les tentatives n'ont pas été déjouées. Le détournement d'identité de l'entreprise, une forme d'escroquerie qui vise les clients et les fournisseurs, accompagne les mutations technologiques. Quant aux classiques attaques de camions de marchandises, il n'est pas étonnant qu'elles soient plus nombreuses que les actes de pirateries maritimes (2 %). Le nombre d'attaques armées - 6 % des entreprises déclarent des employés assassinés et 17 % ont eu à affronter l'enlèvement crapuleux d'expatriés - montre que les entreprises sont aujourd'hui une source de revenus pour les mafias ou les groupes terroristes. L'industrialisation de la contrefaçon (39 % des entreprises citées y font référence) est là pour le prouver. La perception de la gravité des dommages subis dépend toutefois des entreprises et des épreuves traversées. Un tiers de celles qui ont été espionnées estiment que le vol de secrets de fabrication est un dommage mortel. Celles qui ont perdu un salarié portent sur la violence subie un regard différent. Toutes reconnaissent que la criminalité a un coût plus élevé qu'il n'y paraît. Deux entreprises sur trois font état d'une baisse des marges opérationnelles et presque autant ont eu à encaisser une chute du chiffre d'affaires (59 %). Plus grave peut-être : plus d'une entreprise sur deux (52 %) reconnaît que "l'activité criminelle tend à annihiler le bénéfice d'une délocalisation dans un pays à bas coût de main-d'oeuvre". L'enquête ne précise pas les pays les plus risqués pour les crimes liés à la délocalisation. En décembre 2009, le colloque du CDSE publiait néanmoins une liste qui plaçait la Russie en tête des pays les plus dangereux (25,5 %), suivie par la Chine (17,6 %), le Nigeria (11,8 %), l'Algérie (11,8 %) et l'Afrique du Sud (11,8 %). L'Italie et ses différentes mafias étaient citées dans 8 % des cas. Pour se protéger, les entreprises comptent d'abord sur les services d'agences spécialisées dans la sécurité (96 %), et ensuite sur les forces de police traditionnelles (93 %). Les armées privées sont utilisées dans des cas extrêmes. Certaines sociétés ont aussi demandé à leurs clients locaux de les aider à résoudre des problèmes de sécurité