Edmund Burke La frontière entre le bien et le mal est infime. Tout le monde le sait. On passe de l'un à l'autre sans nous apercevoir. Parfois, à force de vouloir faire le bien, on commet le mal sans même nous rendre compte. Mais parler de ces deux pôles qui taraudent l'esprit et qualifient nos actes, c'est aborder une question complexe, métaphysique. Nul ne connaît avec exactitude l'origine du bien et du mal. Les religions monothéistes voient dans la désobéissance d'Adam et Eve à l'ordre Divin, séduits comme ils étaient par le diable dans le jardin d'Eden, l'origine du bien et du mal. Dans la mythologie, l'enchevêtrement des deux notions et leur lien étroit avec le domaine des sentiments jettent une confusion ; et bien souvent les deux concepts fusionnent… Le couple antithétique constitue l'un des piliers de la littérature. Prose et poésie, dramaturgie et essais se sont bâtis sur les relations houleuses de ce couple improbable. De La Divine comédie de Dante au Nom de la Rose d'Eco, en passant par La Religieuse de Diderot et La Curée de Zola, bien et mal se sont conjugués pour donner naissance à de belles et denses œuvres littéraires. De nos jours, on se soucie de moins en moins de la notion de bien et de mal. En amont, plusieurs actes paraissent hardis, tandis que d'autres se veulent paresseux et vains. En aval, la force est souvent dictée par l'orgueil et l'arrogance : deux visages accoutumés du mal. La faiblesse, elle, s'apparente la plupart du temps à l'amour du genre humain et le respect de l'Autre et de la nature. Dans cet oubli feint des forces qui forgent l'être et les relations sociales, les valeurs sont menacées et le déclin des civilisations risque de s'inscrire en filigrane du nouvel ordre mondial. Ordre qui prône souvent la survie de l'individu au détriment de la collectivité et favorise l'égotisme. Le mal triomphe quand s'éternise le silence du bien. Un silence sourd et creux dont la voix n'est qu'un faible écho venu des temps révolus… Raouf MEDELGI