S'est-on jamais demandé à quoi ressemble un match de football qui se joue à huis clos ? Le sport y est pris en otage, emmuré, désabusé face à des gradins désespérément vides. Simulation idiote d'un sport que les hooligans des temps modernes ne cessent de défigurer; que des dirigeants ne cessent, à leur tour d'instrumentaliser, et qu'on veut, à tort, faire sortir de son cadre originel. De son cadre ludique. Et, finalement, de sa dimension sociale et éducative. Chaque match à huis clos est un peu comme une école qu'on ferme. A ses heures, Albert Camus, grand mordu de football déclarait : " Tout ce que j'ai appris dans la vie; c'est au football que je le dois". Et il ajoute: " C'est l'école de base ". Camus prend des risques en emboîtant le pas à Shakespeare : " Donnez-moi un théâtre, je vous donnerai un bon peuple". Oui, donnez-nous des stades, des jeunes, du football, du vrai, un football dépassionné et paré contre les débordements et il y aura bien moins de tensions sociales. A la limite, c'est une honte que le derby le plus prestigieux du pays et certainement aussi du Maghreb doive se dérouler au milieu des chuchotements des joueurs et des crépitements organiques de gradins plus " lourds " vides que bondés de spectateurs. Entre temps que se passe-t-il ? L'Espérance se désole de ce qu'elle ne puisse faire son tour d'honneur ; le Club Africain comptabilise (dans les pertes) un manque à gagner d'un million de dinars. Une fédération s'apprête à quitter et une autre s'apprête à débarquer. Comme d'habitude l'arbre cachera la forêt. Comme d'habitude on nous gargarisera de slogans d'une morale sportive primaire. Et comme toujours on évitera de soulever la question fondamentale : le football de la violence n'est-il pas instrumentalisé ? Et; si, oui, n'y a-t-il pas, quelque part, une perte de repères sociaux?