La France n'est pas un pays «zéro immigration» Comment juguler le flux d'immigration: simple, les pays d'origine doivent savoir donner des rêves à leurs jeunes et, surtout, les concrétiser Elle est la première Française d'origine maghrébine à entrer au gouvernement français, comme ministre de la Justice. Aujourd'hui, elle est députée européenne et maire du 7ème arrondissement. Une femme de caractère qui se considère française et qui avance sur un chemin semé d'embûches, mais prouvant à tout le monde que la France ouvre grand ses bras à tous ses enfants. Rachida Dati a souvent défrayé la chronique. Certaines personnes disent qu'elle serait souvent victime de racisme, d'autres assurent qu'il serait vraiment dur de travailler avec elle ou alors qu'elle ne serait pas en phase avec la cohésion gouvernementale. Loin des apparats officiels, Rachida se montre effectivement franche, précise dans ses propos, sa force de caractère n'en démord pas, elle s'exprime clairement à travers un regard plein d'assurance. Nous l'avons rencontrée chez M. Pierre Ménat, à l'occasion d'un dîner convivial, où elle a exprimé son attachement à la Tunisie. Elle nous a ensuite accordée cette interview. Le Temps :Comment jugez-vous les relations de la Rive sud de la méditerranée avec l'Union Européenne où le dialogue semble inégal ? Rachida Dati : Nous vivons dans une époque mondialisée, les pays ne peuvent plus vivre ou avancer en solo. Un nouvel équilibre s'est crée. Nous voyons des grands Etats à l'instar des Etats-Unis, du Brésil, de l'Inde, de la Chine devenir des forces et de grands ensembles. Ainsi, l'Europe et la rive sud qui ont une histoire humaine et culturelle commune et doivent se tourner l'un vers l'autre. L'Europe ne peut se permettre de tourner le dos à son avenir. Il faudrait alors se rapprocher l'un de l'autre transcender nos différents et combler ce qui nous sépare. Quelles sont les exigences d'une intégration en France. Se fait-elle au détriment de son identité originelle ? La France a des valeurs, l'identité, elle, est une synthèse. Elle reste ouverte et dans ce cas, on est bien intégré du moment où l'on respecte les valeurs et les principes de la République en France. Quelle est votre position par rapport au statut de partenaire avancé de la Tunisie ? Il est vrai qu'il s'agit d'un statut formel de partenariat, mais ce sont avant tout des intérêts économiques qui dictent la nécessité de ce statut avancé et qui en constituent les avantages. Tout comme il est impossible pour la France de se dissocier de la Tunisie, il devient aujourd'hui impossible à l'Europe de ne pas avancer avec la Tunisie. On soulève souvent le problème de l'immigration en France en ce moment, pensez-vous vraiment que l'attitude de la France n'est plus celle de jadis par rapport à la masse immigrante ? La France n'a rien changé à ses valeurs ou à sa vocation, et nous n'avons jamais souhaité qu'elle devienne un pays à « immigration zéro ». La France demeure un Etat qui reçoit, mais selon les besoins et dans un cadre établi. La France se veut un pays d'immigrants mais d'une manière organisée. Laisser entrer dans un pays des gens, des familles, qui n'y ont pas de perspective, ce n'est pas une vision humaniste, et ce n'est pas acceptable. Quelle est la meilleure façon pour les pays d'origine de régler ce mouvement migratoire ? Les pays d'origine doivent ouvrir des perspectives à leur jeunesse par rapport à l'emploi, aux études. Il faut donner aux jeunes la possibilité de rêver mais aussi leur offrir les moyens de réaliser leurs rêves. Partout il existe des problèmes, en France par exemple, le taux de suicide chez les jeunes est élevé. On ne peut pas s'y résoudre et il faut y remédier en créant les conditions d'un avenir meilleur. Est-ce que Rachida Dati a souffert du racisme durant son parcours professionnel ? J'ai d'un côté eu beaucoup de chance en rencontrant certaines personnes qui ont été déterminantes dans ma carrière. D'un autre côté, quand vous avez des gens qui vous mettent les bâtons dans les roues, mieux vaut ne pas s'y attarder. C'est mon cas. Je ne me suis jamais attardée à essayer d'en connaître les raisons quand cela m'est arrivé. Je préfère dépenser mon énergie dans les combats et non pas à réagir aux comportements conservateurs ou xénophobes. Quelles sont les ambitions politiques actuelles de Rachida Dati ? C'est tout simplement de continuer à remplir les mandats et mériter la confiance de celles et ceux qui m'ont élue. Il y aura des élections à préparer dans peu de temps ; je compte y participer et continuer à honorer mes engagements, en cohésion avec mes valeurs. L'expérience européenne ne vous éloigne-t-elle pas de la France, ne voulez-vous pas retrouver le portefeuille ministériel ? Je fais de la politique nationale tous les jours en étant députée européenne. Hajer AJROUDI --------------------- Parcours politique - Rachida Dati est née en France le 27 novembre 1965, de père marocain et de mère algérienne - Porte-parole de Nicolas Sarkozy lors de l'élection présidentielle de 2007 - Garde des Sceaux, ministre de la Justice au sein des gouvernements François Fillon I et Fillon II jusqu'au 23 juin 2009. - Maire du 7e arrondissement de Paris depuis le 29 mars 2008 - Députée européenne depuis le 14 juillet 2009.