Cela fait six ans que Khaled Ben Slimane n'a pas exposé en Tunisie et ses expositions provoquent l'événement. Il est à la galerie El Marsa où il inaugure d'ailleurs le nouvel espace avec une série de petits et grands formats. Plus connu pour être céramiste, c'est en peintre qu'il occupe l'espace cette fois-ci. Il interroge le monde avec une expression autre même si l'artiste refuse la séparation des genres. Aucune scission, le médium varie et raconte la récurrence des thèmes. Khaled Ben Slimane n'a pas quitté ses sujets de prédilection. Sa quête métaphysique continue sa route revisitant la spiritualité et le mysticisme. Il explore, il scrute, il construit, déconstruit avec des signes, des lettres illisibles, il invente un nouvel alphabet, celui de l'enfance du monde. Il reçoit et enregistre le voyage désordonné des constellations. Et cette syntaxe plastique est de toute beauté. L'itinéraire, nous en sommes familiers, ce sont les différentes étapes de la transcendance, l'invocation, la contemplation, etc… Khaled Ben Slimane en a fait un art de vivre. Son œuvre ressemble de plus en plus à une partition musicale, à une symphonie en gestation qui s'écrit. L'artiste essaie de saisir l'unité renversant les rythmes à souhait, conduisant le corps aux extrêmes dans un jeu subtil de combinaisons. Dans ces territoires qu'il franchit, Khaled Ben Slimane donne à voir une certaine plénitude de l'état du monde. Des minarets, des mosquées, le nom du sacré qui se répète à l'infini. Pour réconcilier les hommes dit-il, pour leur transmettre de l'amour à l'heure où tout est fanatisme, intolérance et violence. Mais est-ce vraiment propre à une époque ? L'artiste de tout temps est un humaniste et généreux à la recherche de ce lieu central autour duquel il gravite sans cesse. Khaled Ben Slimane a parcouru le monde, de l'Espagne au Japon, sa gestuelle qui rappelle les soufis, est célébrée dans les différents musées du monde. Est-ce à dire qu'il revisite aussi les différents pans de la mémoire dans leur visibilité plastique et esthétique ? Oui, sans aucun doute. Il nous place avant l'écriture, avant le mot, avant le langage. Il donne à voir dans cette démarche verticale de la transcendance la pulsation ancestrale, celle où les hommes devenaient des hommes, lentement. Dans un jaillissement physique de la découverte. Possédé par ces énergies cosmiques, Khaled Ben Slimane comme les poètes, matérialise le souffle dans le souffle, le rythme dans le rythme. Une mise – en – abîme constante de l'acte créateur. Peintures, céramiques, sculptures, tablettes, tel un polygraphe, Khaled Ben Slimane nous invite à lire un autre alphabet du monde. Celui d'une mémoire qui n'a pas fini de nous surprendre. Comme un “autre état de la matière”, dirait Lorand Craspar, le poète.