A première vue, le rapport ne concerne que la France. Et c'est vrai puisqu'il a été commandé par le ministre français de l'Economie, M. Nicolas Sarkozy à M. Michel Camdessus, ancien directeur général du Fonds Monétaire International (FMI). Seulement, à la lecture de ce rapport sur «Les freins à la croissance», force est de remarquer que plusieurs points concernent ou pourraient concerner l'économie tunisienne. Les liens entre la France et la Tunisie sur le plan économique sont tellement forts et nombreux que le rapport de ce géant de l'économie ne peut nous laisser insensible et mérite grandes réflexions. Peut-être même, pourquoi pas, un séminaire de réflexion pour pencher sur les 161 pages de ce gigantesque et riche rapport de celui qui dirigeait la plus grande institution monétaire mondiale. Sept principaux points figurent dans ce rapport. Ils ne concernent pas tous la Tunisie ou le Maghreb, évidemment, mais peuvent offrir une belle source d'inspiration pour adapter certains d'entre eux à l'économie et la situation locales. Vu la longueur du rapport, nous nous sommes restreints aux sept principaux points et à la synthèse du magazine français « Le Nouvel Observateur ». En italique, vous lirez donc la synthèse de notre confrère français et au dessous de chaque synthèse, le parallèle que nous avons fait avec l'économie nationale. SITUATION DE LA FRANCE L'économie française est "subrepticement engagée dans un processus de décrochage", pour une raison principale: le "déficit de travail". Sans réformes, la France se retrouvera selon le rapport dans une situation "difficilement réversible" avec une croissance "à 1% à l'horizon 2015". Pour la Tunisie, le chômage n'a pas encore atteint une situation alarmante. Loin de là. Mais force est de remarquer que vu la politique de l'Etat en matière d'enseignement et vu les objectifs pour le Xème Plan et le nombre de diplômés de l'enseignement supérieur qui s'apprêteront à quitter les universités dans les prochaines années, il est temps de penser aux possibles réformes qu'on devrait effectuer dans les prochains temps afin de faire face au nombre important de demandeurs d'emplois qui vont entrer sur le marché. EMPLOI, TEMPS DE TRAVAIL ET CHOMAGE "Depuis 20 ans, la totalité de notre écart de croissance par rapport au Royaume-Uni et aux Etats-Unis correspond à la différence d'évolution des heures travaillées". "Pour beaucoup, le non travail n'est pas voulu, il est subi: c'est le chômage". Pour permettre à la France de "travailler plus", il faut "corriger les deux exceptions françaises particulièrement préjudiciables" que sont le sous-emploi des Personnes âgées et celui des jeunes moins qualifiés. Pour les plus de 50 ans, il propose d'autoriser "sans restriction" le cumul emploi rémunéré retraite et d'alléger les charges. Jugeant le service public de l'emploi "peu efficace", le rapport plaide pour un renforcement du contrôle des chômeurs sur le modèle du Pare (Plan d'aide au retour à l'emploi) en conditionnant les aides à l'obligation d'accepter, après un certain nombre de refus, un emploi "convenable". L'aide de retour à l'emploi n'est pas encore de mise en Tunisie. Toutefois, au vu des programme du Président Ben Ali (annoncé lors de la campagne électorale) et des objectifs du Xème Plan, les demandeurs d'emploi tunisiens auront probablement leurs allocations chômage dans les prochaines années. Avant d'instaurer cette allocation, il s'agit donc de prendre exemple sur l'expérience française, notamment ses limites et ses points faibles afin qu'elle soit, dès son instauration, efficace pour que le demandeur d'emploi trouve rapidement un travail et ne reste pas longuement dépendant d'une allocation payée par le contribuable. CONTRATS DE TRAVAIL ET LICENCIEMENTS - Le rapport propose l'instauration, à la place des contrats à durée déterminée (CDD) et indéterminée (CDI) actuels, d'un CDI dont les conditions de rupture seraient fixées à l'avance et se renforcent progressivement avec l'ancienneté. - Il recommande de taxer les entreprises qui licencient, via un système de bonus-malus sur les cotisations sociales payées par l'entreprise, de façon à "inciter à l'embauche et +désinciter+ les licenciements plus rapidement et plus sûrement que par la voie judiciaire". - Il propose de réexaminer la contribution Delalande qui renchérit le licenciement des plus de 50 ans. Le système tunisien en termes de contrat de travail a prouvé son efficacité, notamment dans le service public. Pour le privé, un coup d'il sur les Prud'hommes montrera le nombre d'affaires en justice entre employés et employeurs. Les CDD et CDI existent dans notre pays et les nouveaux contrats n'avantagent pas particulièrement les salariés. On ne le remarque que trop dans les contrats réalisés par les centres d'appel où les jeunes salariés se retrouvent du jour au lendemain au chômage sans possibilité aucune de recours. SMIC ET PPE Le rapport prône une évolution "modérée" du Smic et une réforme de la prime pour l'emploi (PPE), qui serait ciblée sur les travailleurs à temps partiel. Evolution « modérée » du Smic ne plairait pas forcément aux syndicalistes de l'UGTT qui, chaque année, engagent de véritables bras de fer avec l'Etat et l'UTICA. Mais si la croissance en Tunisie dépend de ça Qu'en pensent les économistes ? DEPENSE ET FONCTION PUBLIQUES Le texte préconise une meilleure gestion de la dépense publique via l'affectation des surplus budgétaires à la réduction de la dette, la programmation pluriannuelle des dépenses et un resserrement du nombre de ministres et de leurs conseillers. Il prône également une réduction des effectifs de la fonction publique, jugée par ailleurs "peu efficace", en ne compensant par une embauche qu'un départ à la retraite sur deux. Remplacer un retraité sur deux allégera forcément les dépenses publiques en matière de salaires. Une proposition qui ne tient pas compte du « social », qui ne plaira pas forcément aux syndicalistes, mais qui a le mérite d'alléger les dépenses de l'Etat appelé, de toute façon, à se désengager des secteurs concurrentiels qui exigent un grand nombre de salariés. EDUCATION, RECHERCHE ET INNOVATION - Le rapport souligne la nécessité d'aller vers "une économie de la connaissance", avec des pôles de recherche regroupant universités, grandes écoles et départements de recherche et développement d'entreprises. La politique du Président Zine El Abidine Ben Ali va parfaitement dans ce sens ! COMMERCE ET INNOVATION - Le rapport plaide pour une révision "en profondeur" des réglementations imposées au secteur du commerce, qui ont selon lui un effet néfaste sur l'emploi. Tous les économistes sont d'accord sur ce point : beaucoup de réglementation freine le commerce, la croissance et l'emploi. Le Président Ben Ali, dans son programme électoral, a déclaré qu'une très grande partie des autorisations seront remplacées désormais par des cahiers des charges. Ceci aura donc pour effet d'alléger les réglementations en vigueur. Une révision «en profondeur» est, cela dit, souhaitable.