Le ciel était bien étoilé mardi soir, et une brise agréable soufflait sur l'amphithéâtre de Carthage lorsque nous y arrivâmes. Mais dès avant 20 heures, l'ambiance était déjà trop chaude sur les gradins où les plus gringalets des spectateurs peinaient à se trouver une place parmi la foule monstre venue applaudir Saber Rébai et danser sur ses airs. Lorsque le concert commença, il y avait facilement près de 12.000 personnes installées n'importe comment et donc inconfortablement à l'intérieur de l'arène. Même la rampe de la régie était submergée de monde. Il ne manquait plus que les branches des eucalyptus géants du théâtre pour accueillir le public en trop. C'est en tout cas une proposition à faire aux organisateurs qui manifestement n'ont pas retenu les leçons de l'année dernière et vendirent cette année encore, plus de billets qu'il n'en fallait. DJ et piste de danse géante ! Donc, Saber chanta devant des milliers d'admirateurs et surtout d'admiratrices entassés les uns sur les autres. L'enceinte des chaises, qui devait tout de même promettre beaucoup moins d'inconfort que les gradins, était elle aussi plus que saturée. On passa néanmoins une soirée folle avec l'émir du tarab qui entama le concert avec des chansons très rythmées, idéales par conséquent pour les 12.000 danseurs spontanés qui investirent le théâtre mardi soir. D'ailleurs, au menu de la soirée, il n'y avait presqu'aucune chanson douce de celles qui nous ont fait tant aimer le talentueux Saber Rébai. A en croire que ce dernier avait intentionnellement privilégié ses airs dansants avec lesquels il tenait à mettre en transe tout Carthage. Incontestablement, il y était parvenu. Et sans peine ! Nous autres, rares esthètes exigeants, fausses notes dans ce décor remuant, nous ne pûmes pratiquement rien voir de ce qui se passait sur scène en raison des rideaux concentriques dressés devant nous par les danseurs et danseuses infatigables. Que retenir d'autre de ce concert ? Ah oui ; Saber rendit lui aussi un nouvel hommage à Mohamed Jammoussi : mais qu'on ne s'y trompe pas ! Dans le riche répertoire de l'immense disparu, Saber n'a sélectionné que les airs les plus entraînants. Logique, nous diriez-vous ! Il y avait effectivement du DJ dans l'air avant même que le spectacle ne commence. Et tout était conçu dans le but de transformer l'amphithéâtre de Carthage en piste géante pour groupies de tous âges ! Tant mieux pour nos jeunes et pour leurs aînés plus « ados » qu'ils ne l'étaient à 15 et 16 ans ! Ils voulaient faire la fête et personne ne les a déçus ni les en a empêchés. Si quand même, les rabat-joies comme nous qui attendaient tout autre chose de ce concert. ! Badreddine BEN HENDA ------------------------ Les à-côtés • Un bon point tout de même à mettre à l'actif de Saber : au début du spectacle, il demanda au public de réserver dorénavant un accueil aussi impressionnant aux autres artistes tunisiens. Peut-être que ceux-là mêmes qu'il défend aujourd'hui ne lui rendraient pas la pareille s'ils connaissaient son succès ! A ce propos, mardi soir, nous ne croisâmes presqu'aucun chanteur tunisien dans les parages ! Le triomphe réalisé par Saber Rébai les aurait-il à ce point éclipsés ?! • Dans la logique de son spectacle dansant, Saber se déhancha à son tour sur scène et invita son organiste à suivre son exemple. • La débandade monstre qui régnait sur les gradins provoqua inévitablement quelques échauffourées. On enregistra également un ou deux évanouissements. Mais ce qu'on déplore vraiment, c'est l'attitude de certains spectateurs qui ne se contentent pas d'occuper leur place assise mais réservent en plus un périmètre plus grand pour des soi-disant proches ou amis attendus. • En raison du départ tardif de leur bus, les journalistes n'ont pu occuper des places convenables pour accomplir leur travail. Nous en avons vu qui suivaient le concert derrière la rampe de la régie ou bien depuis un coin sombre des escaliers de l'amphithéâtre.