Fadhel Jaziri a présenté à Hammamet sa dernière création : “El Hadhra 2010". Ce grand homme de théâtre et de cinéma a essayé d'actualiser ce show et sortir des sentiers battus. Il a fait participer jeunes et adultes, des bendirs, des violons, des guitares, des luths, des chanteurs, des danseurs… 180 acteurs sur scène en transe. Cette nouvelle version a plu à certains mais a choqué d'autres. Qu'en pense Fadhel qui a voulu se confier à notre journal à la fin de son spectacle à Hammamet. Tout d'abord est-ce une nouvelle version d'El Hadhra de 1991 ? Ma vision dans la Hadhra 2010 n'est pas la fixation d'un folklore teinté de mysticisme et de nostalgie. C'est une continuité du passé dans le présent, qui s'ouvre sur l'avenir, mais sans rupture avec ses origines. Ce travail sur les chants soufis tels qu'ils ont été répercutés et transmis par la tradition confrérique dans les diverses zâwiyas de Tunis, exige non pas de les restaurer dans leurs formes désuètes, mais de les recomposer et de les retranscrire dans le langage de notre époque, afin d'en faire une œuvre vivante du présent. J'ai essayé de réinscrire le patrimoine dans la perspective d'un show soufi original. C'est un spectacle populaire dédié au public dans le sens où il est proche des gens, voué à les distraire et à les aider à dépasser les aléas de la vie. Est-ce que vous avez essayé de vous renouveler? La scène artistique tunisienne en a bien besoin pour se renouveler et rompre avec le ronron habituel. Car si la monotonie est le pire ennemi de la création. El Hadhra est une nouvelle écriture scénique avec une nouvelle mise en scène, de nouvelles idées et de nouveaux acteurs. Je n'ai rien inventé mais j'ai mis ce patrimoine au goût du jour à savoir des textes qui racontent le vécu, les qualités morales et spirituelles de chaque confrérie, Vous avez certes surpris le public de Carthage par cette nouvelle version ? C'est vrai que c'est une nouvelle conception, un nouveau concept, une autre ambiance. Tout le monde ne s'attendait pas à ce changement. Le public ou les médias ont le droit de critiquer. Ce n'était pas El Hadhra, ou du moins, celle que l'on connaît. C'est une autre vision 2010 Mais le public d'Hammamet a beaucoup apprécié El Hadhra 2010 ? Le public diffère d'un festival à un autre. A Hammamet ou à Bizerte, le public a vu autrement. Il a été touché par l'ambiance de ce spectacle. Il était au rendez-vous et le show lui a plu. L'essentiel c'est que le message a touché ce grand public Mais vous avez fait appel à des acteurs peu connus? Je n'ai pas besoin de vedettes ou de stars. J'ai fait appel à de jeunes talents qui ont pu sortir un grand spectacle. J'ai joué la carte de la jeunesse pour mon nouveau show en mettant en scène de jeunes talents que j'ai cherché dans les conservatoires et les écoles de musique. Comment vous avez pu rassembler ces 180 acteurs? Ils sont cent -un interprètes sur scène : neuf solistes, quarante cinq choristes, seize instrumentistes, trente et un danseurs. Ajouter à cela les techniciens du son et de la lumière soit 180 acteurs Votre spectacle est un mélange de tous les arts? Mais, contrairement à l'ancienne version de la Hadhra , basée presque uniquement sur le chant, dans la nouvelle, il y a une grande présence des instruments, des chanteurs, des rythmes recomposés, beaucoup de danse à travers des chorégraphies variées. C'est une rencontre entre tradition et modernité, entre bendir, luth mezoued d'un côté et guitare électrique, saxophone et violon de l'autre Finalement, vous avez pris du risque pour nous présenter cette nouvelle version ? Dans chaque création, il y a un risque. On peut plaire ou non. Dans notre métier, il faut se remettre en question, innover et repartir de nouveau.