Fadhel Jaziri a essayé d'innover avec son spectacle « El Hadhra 2010 » au festival d'Hammamet et de se racheter vu les échos de Carthage. Certes, le théâtre de Hammamet plein de monde attendait la présentation de la première version d'El Hadhra. Mais Fadhel n'a pas respecté la tradition et le contenu de 1991. Une fois encore il nous invite à ouvrir un nouvel espace, une nouvelle alternative à la rencontre et à l'échange culturel et artistique. El Hadhra, un spectacle coloré et inédit constitué de 106 participants nous a entraîné vers une douce et sensuelle hypnose. Une scène pleine et surchauffée, où des hommes et des femmes en costume traditionnel qui interprètaient, accompagnés de divers instruments, les chants et hymnes des soufis. La visée du travail de Fadhel Jaziri dans la Hadhra 2010 n'est pas la fixation d'un folklore teinté de mysticisme et de nostalgie, vécu comme une fuite hors du contemporain. Elle est la mise en scène de la mémoire dans le théâtre du présent, la lutte de la musique contre la dispersion du temps dans une unité créatrice. Les chants sont comme une mélopée, une plainte triste et lancinante. C'est une expression puissante et sincère. Mais à d'autres moments, les chants sont alertes, rythmés, entraînants : c'est certes de la musique soufie, mais qui vous donne envie de bouger et de danser. Au programme trois parties. La scénographie est construite avec des participants et figurants au nombre de 106, tous debout du début au terme du spectacle, 59 chanteurs (monshidine), 16 musiciens et 31 danseurs. Sans oublier les techniciens du son et de la lumière soit 180 participants. Le spectacle débute par la récitation d'El Fathiha. Les musiciens nous ont fait découvrir une autre façon de faire de la musique. Ils utilisaient leurs instruments pour appuyer et projeter leurs voix et les instruments murmuraient comme leurs voix. Leurs voix et leurs mots ressemblaient parfois à des sons tirés d'instruments plutôt qu'à des sons produits par la parole. Les chants enivrants « Ward Echadli » « Wa halilou » « Khadim Ejilani » et « Ahl Ecchamaiel » viennent s'ajouter aux instruments. La communion est immédiate avec le public. Les morceaux s'enchaînent sans temps mort. « Besm El Kader » fait bouger l'assistance avec ovations et applaudissements du public. Le rythme s'accentuait avec ces danseuses qui sillonnent la scène. Les you you des femmes fusent de partout avec « Inzad Ennabi ». Alignées, vêtues de la tenue traditionnelle, parées de leurs plus beaux atours, les jeunes danseuses exécutent leurs chorégraphies en se balançant, pour remémorer en une longue ondulation aux courbes sinueuses, le mouvement des vagues de l'océan.. Toujours portés par l'énergie et la générosité caractéristiques de cette compagnie, les choristes, les danseurs et les musiciens explorent les multiples possibilités des corps. Partir des corps, de leurs mouvements, de leurs appuis, leurs équilibres, pour en révéler leurs allures, leurs flux, leurs allées et venues, leurs rencontres, leurs co-présences, leurs co-existences. Encore une fois Fadhel Jaziri excelle dans son scénario. Le public attentif est enivré de ces belles images. Etre proche du public, partager ses soucis mais en même temps essayer d'apaiser son angoisse et d'apporter des réponses à ses interrogations telles sont les tâches primordiales de Fadhel Jaziri. Certes la scène d'Hammamet l'a beaucoup aidé à concocter un spectacle haut en couleurs et en émotions. Et la fête devait continuer durant la troisième partie avec Asma Ben Ahmed qui interpréta « Min Dhak Behalihi » Riadh, Chihab, Bassam et Hamza qui chantaient « Oum Ezzine » et d'autres soutenus sur scène par des rythmes électroniques. Les différents instruments accompagnent à merveille le chant soufi basé sur l'invocation aux saints et les louanges à Dieu. Avec leurs voix fortes, imposantes et aux étendues immenses, ces choristes ont chanté du plus profond de leur être pour un public qui sait apprécier et écouter. C'est l'objectif de Fadhel car ce spectacle est dédié avant tout à ses hôtes venus entendre ce patrimoine riche en musique sacrée dans ce beau cadre d'Hammamet