Le Temps-Agences - Les banlieues déshéritées de la région parisienne accusaient le coup hier après l'élection de Nicolas Sarkozy, mais la victoire de l'ex-ministre de l'Intérieur, partisan d'une immigration "maîtrisée" et du retour à l'ordre, n'a pas entraîné de flambée de violence. "C'est le choc. Un choc attendu, mais les gens ne voulaient pas y croire. Il n'y a jamais eu autant de mobilisation (pour participer au vote, ndlr) dans les banlieues. Les gens sont déçus", selon Mohammed Chirani, du collectif "Votez banlieues!". Cette organisation avait été créée après les émeutes qui avaient secoué les banlieues à l'automne 2005 pour inciter les jeunes à exprimer leur mécontentement dans les urnes. Il ne s'agissait pas tant de voter "pour (la candidate socialiste) Ségolène Royal, mais contre Sarkozy, qui a fait du problème des banlieues son fond de commerce électoral", a souligné M. Chirani, issu d'une famille immigrée de la Grande Borne, une gigantesque cité au sud de Paris. Les banlieues défavorisées, où se mêlent habitants originaires du Maghreb et d'Afrique noire et Français "de souche" de condition modeste, ont voté en masse pour la socialiste Ségolène Royal, qui a été battue par M. Sarkozy avec 53% des suffrages. A Trappes, ville du sud-ouest de Paris où se côtoient 70 nationalités et qui a voté à 70% pour la socialiste, les habitants affichaient la même déception. "Pour une fois qu'on s'impliquait dans la vie politique, on a encore l'impression de compter pour rien", a dit Mohammed, un étudiant. "Pour les plus jeunes, c'est la panique", ajoute-t-il. "Ils sont persuadés qu'il vient de se passer quelque chose de grave pour la banlieue ils s'attendent à des expulsions, à des réductions d'allocations, à un durcissement des policiers". Par crainte d'une flambée de violences, quelque 3.000 policiers avaient été mobilisés en renfort pour la seule région parisienne lors du scrutin. Hier matin, la direction de la police nationale a officiellement recensé 367 voitures incendiées, dont plus de 170 en région parisienne, et 270 interpellations. Un chiffre relativisé par la police, dans un pays qui enregistre de 70 à 100 véhicules brûlés par jour en moyenne. La présidentielle "n'a pas amené de grands mouvements de violences urbaines dans les quartiers sensibles", a jugé la police. Un autre collectif créé à la suite des émeutes de 2005, "AC le Feu", avait appelé dimanche les banlieues à ne pas "répondre par la violence" à la victoire de Nicolas Sarkozy. Mais, a souligné Mohammed Chirani, "il va falloir s'attaquer vite" aux problèmes qui minent la banlieue, notamment au chômage, qui frappe parfois 40% des jeunes dans certaines cités. "M. Sarkozy a fait campagne en dénigrant ouvertement les populations immigrées, et finalement il a dit qu'il voulait lancer un plan Marshall pour les banlieues. J'espère qu'il est sincère, parce que s'il en reste au tout sécuritaire, alors ça ne va pas aller, ça va être pire qu'en 2005", dit-il.