* Demain, les pays les plus riches s'aligneront sur le niveau de vie des pays émergents puis des pays sous-développés. Et non l'inverse, comme nous le promettent les chantres de «l'économie globale». Il est de plus en plus probable que nous revivions, d'ici à quelques mois, une nouvelle crise beaucoup plus grave que celle de 2008. Nul besoin, en effet, d'être un «expert» en économie pour constater que les dérives qui ont débouché sur le krach de 2008 n'ont pas été éradiquées mais qu'elles se sont amplifiées. D'abord, dollars et euros coulent à flots comme jamais_: gigantesques plans de relance ou de soutien aux Etats-Unis et en Europe_; prêts et aides du FMI_; planche à billets - pardon, quantitative easing_! - de la Fed. M. Bernanke a repris, sans vergogne, la politique de M. Greenspan, son prédécesseur. Ensuite, ces capitaux qui se déversent sur les cinq continents, et qui devaient avoir pour vocation de réactiver la machine économique en luttant contre le gel du crédit, n'ont nullement été canalisés. Ils ont repris le même chemin que celui des années 1990 et 2000_: la spéculation, le leverage via des hedge funds rebadigeonnés. Les génies de Wall Street qui ont inventé les fameux produits dérivés - baptisés ensuite produits toxiques - n'ont jamais cessé de phosphorer et n'ont jamais été en panne d'imagination. À ce propos, il est plaisant de rappeler que les produits dérivés étaient couronnés, avant 2008, d'un triple A par les agences de notation... Toutes les déclarations tonitruantes des chefs d'Etat, dont Nicolas Sarkozy, sur l'impérieuse nécessité de mettre de l'ordre dans les circuits bancaires et financiers relèvent de la redondance. Il ne s'est rien passé au dernier G20, il ne se passera rien au prochain. Quant au bruit autour des salaires des PDG, des paradis fiscaux et de la «moralisation» du capitalisme, il n'est que cinéma. La crise de 2008 n'a été provoquée ni par l'extravagance de certaines rémunérations ni par les paradis fiscaux, elle l'a été par des banquiers incompétents, imprudents et âpres. Fascinées par les bénéfices que dégageaient les effets de levier, des banques ont prêté aux fonds spéculatifs dix fois, vingt fois le montant de leurs capitaux propres_! Le problème n'est donc pas la «moralisation» du capitalisme, mais son contrôle, sa régulation. Or, les Etats-Unis sont hostiles à toute forme de régulation. Enfin, la dévaluation compétitive, que la bien-pensance jugeait obsolète, a retrouvé toutes ses couleurs. Les trois germes d'une crise majeure se trouvent ainsi réunis_: l'accroissement insensé de la masse monétaire qui, conjugué avec des taux d'intérêt dangereusement bas, peut entraîner non pas de l'inflation mais de la déflation_; la spéculation_; le protectionnisme. Au bout d'une telle germination, il y a la récession et, cette fois, celle-ci englobera les pays émergents. En vérité, les dirigeants des institutions monétaires, bancaires et financières internationales s'apparentent à des marchands du Temple. Voilà trente ans qu'ils mentent ou qu'ils trichent, pour le bonheur du «capitalisme mondialisé», selon l'expression convenue. Mais ce n'est pas le «capitalisme» qui est ici en cause, ce sont quelques apprentis sorciers qui, toujours, privilégient les flux financiers sur l'activité humaine. Le résultat, chacun peut, déjà, en prendre la mesure_: la mondialisation nous tire vers le bas, non vers le haut. Demain, les pays les plus riches s'aligneront sur le niveau de vie des pays émergents puis des pays sous-développés. Et non l'inverse, comme nous le promettent les chantres de «l'économie globale». Chez nous l'ascenseur social s'est arrêté. Il est en train de s'arrêter à l'échelle de la planète.