Aïcha Skandrani, formée à l'I.E.S.A, l'Institut Supérieur des Arts à Paris, après être passée par Los Angeles et Toulouse, s'intéresse aux effets de lumière dans la photographie. C'est avec une trentaine d'œuvres qu'elle revient en Tunisie où elle expose depuis le 17 septembre dernier. L'exposition s'articule en trois grandes parties. Suggestion, Contemplation, Fabulation. Elle y traite différents thèmes, ceux qui ne peuvent certainement pas laisser indifférent : la montée de l'âme, la calligraphie arabe, la Palestine, le passé, le présent, le futur … Elle affirme : « Tout ce que je fais est symbolique, c'est une métaphore ». On peut y percevoir la relation entre les couleurs et la longueur d'onde et découvrir comment on peut interpréter la lumière, cette lumière qui peut associer plusieurs composants. Aicha Skandrani est bien placée pour en connaître toutes les subtilités et arrive à la matérialiser en jouant sur la vitesse. On découvre alors l'exceptionnelle capacité d'observation de l'artiste. Un regard aiguisé, parfois spirituel, ésotérique ou plus philosophique mais toujours très esthétisant. Elle se plait à nous expliquer comment, dans sa démarche créative, la photographie est centrale : c'est le point de départ de sa recherche. C'est donc une impression de délicatesse et d'apesanteur qui émane de ses clichés, qu'il s'agisse de lettres, de chiffres ou de personnes évoquées. La lumière est si captivante qu'elle enveloppe les photographies de mystère. On pourrait penser à des œuvres abstraites qui ont cet avantage, celui de laisser libre cours à l'imagination de chacun. Travaillant souvent de nuit, à pied ou dans un moyen de transport, elle détecte les lumières des métropoles, des voitures, des bus, des avions pour capturer la lumière, ses mouvements et élaborer la transition du voyage physique au voyage spirituel. Elle démystifie le dicton chinois qui dit : « Vous pouvez réfléchir la lumière d'autrui, mais vous ne pouvez irradier que votre propre lumière ». Aïcha, elle, cherche à faire irradier toutes les lumières, même celles que l'on ne peut percevoir à l'œil nu. Elle s'intéresse aux voies mais aussi aux effets de communication, ces lumières qui nous font réaliser la diversité des possibles. Elle se penche aussi probablement sur certaines cicatrices, celles que la mémoire n'a ni affectées, ni effacées. Elle la matérialise et la balaye avec des stigmates de lumières tandis que son appareil réalise des poses longues pour mieux mettre en évidence ce que les autres ne voient justement pas. Photographier pour oublier, se souvenir ou pour rappeler et montrer. Une question de frontières qu'on aimerait se voir effacées. Une question de temps. Explorer l'intervalle, l'indicible espace-temps, aux temporalités mélangées, entre mémoire et trous de mémoire, entre peinture et photographie, net et flou, réalité et fiction, entre obscurité et lumière où tout est possible et en mouvement et en être l'écho. Pour enfin inscrire ce moment dans la réalité. Un travail d'écriture, une écriture de la lumière… à suivre dans les sillages de son rayonnement… L'exposition sera visible jusqu'au 25 septembre 2010 pour laisser découvrir un art de la photographie qui se fait de plus en plus présent sur la scène artistique tunisienne.