Encore un livre consacré à Chabbi me diriez-vous ? Oui et alors ? Ce poète, fauché à la fleur d'âge, demeure le bastion indestructible de la littérature tunisienne du XXe siècle. Ahmed Touili présente les « mémoires » du jeune Chabbi comme source référentielle de la vie culturelle à son époque (les années 30). Débats, réunions, conférences et rencontres encadrés par des clubs à vocation littéraire, philosphique et artistique telle que l'association des anciens du Sadiki et le club El Khouldounia qui rivalisaient férocement sur les plans culturels et scientifiques. Le club Sadiki fût contraint à la fermeture le 20 janvier 1930 suite à trois interventions: La conférence de Mohamed Salah M'hidi consacrée à Imrou EL Kaïs ou il nie l'existence de ce poète. Celle du Père Sellem consacrée à la littérature de la « Jahilia » Celle de Abül Kacem Chebbi : l'imaginaire poétique chez les arabes. Ces trois conférences soulevèrent en énorme tollé qui fût exploité par les conformistes de l'époque et qui en profitèrent pour semer la terreur parmi les adeptes du club. Les « mémoires » nous font découvrir son amour d'enfance que la mort a fauché alors que celle qu'il adorait n'avait que quelques années d'âge. Ensuite la mort de son père qu'il chérissait par-dessus tout au monde. Puis la beauté de la nature – si souvent représentée par les jardins du Belvédère et le charme des dames. Les « mémoires » nous révèlent, aussi, quelques amis du poète tel celui qui fût frappé de folie, qui retrouva la raison pour de nouveau retomber dans le délire, tantôt riant, tantôt discourant, tantôt prétendant être prophète ou Richard Cœur de lion. Mustapha Khraïef, Zine El Abidine Senoussi, Mohamed H'lioui et Mohamed Salah M'hidi, l'accompagnent tout au long de ces mémoires qui sont un constant d'éveil et d'espoir pour Chabbi malgré les forces d'inertie auxquelles il doit faire face. Le deuxième grand volet du livre est consacré à « l'imaginaire poétique chez les arabes », l'un des textes en prose les plus connus de Chabbi, le plus percutant et qui souleva des vagues d'indignation et d'admiration dans tout le monde arabe. « L'imaginaire… » est suivi par une lettre à Mohamed H'lioui avec qui il échangeait beaucoup d'avis sur la vie littéraire et culturelle. Ensuite on découvre la maladie du poète et celle de son père à travers ses lettres et le livre s'achève par un petit ensemble de texte divers. C'est un travail de vulgarisation, simple et instructif. Une autre pierre dans la construction de cette grande muraille qui fût et demeure ce poète hors-pair nommé Chabbi.