Par Malek Slim - Pékin ne cache plus son jeu. Dès qu'une opportunité se présente, les dirigeants chinois avancent leurs pions pour améliorer leur positionnement sur l'échiquier international et engranger de nouveaux dividendes économiques. L'Empire du Milieu fort de ses réserves en devises et d'une croissance économique de presque 9%, entend mettre à profit tous ces facteurs qui lui confèrent un statut privilégié pour donner une plus grande assise à son ambition – dont il ne s'en cache plus – de faire jeu égal sinon plus avec les traditionnels premiers acteurs de ce monde qui sont pour la plupart sur le déclin. Cette attitude de plus en plus agressive est très mal appréciée par les Etats-Unis, l'UE et même le Japon dont les échanges commerciaux avec la Chine sont en plein essor. Argentier de la planète, Pekin ne craint plus d'afficher son indépendance décisionnelle vis-à-vis de ses partenaires, quitte à les froisser, assumant pleinement les tensions qui s'en suivent. La « guerre des monnaies » est une belle illustration de cette politique nouvelle d'une Chine complètement débarrassée de tous ses complexes envers l'Occident et libérer des contraintes qui lui dictaient une certaine ligne de conduite pas toujours conforme à ses intérêts. Les temps ont bien changé pour qu'un véritable retournement de situation s'opère dans les relations de Pékin avec le reste du monde avec cet esprit conquérant qui anime les Chinois. Aujourd'hui ils ne se contentent plus d'exporter leurs produits qui inondent le monde ou de faire les sages banquiers pour sauver de la faillite, tel ou tel partenaire économique. Ils mettent tout leur dynamisme dans une recherche effrénée à s'implanter là où l'occasion se présente. Ils investissent à tour de bras, même dans les secteurs les moins lucratifs avec souvent des avantages qui défient toute concurrence. Ils sont parvenus à créer de solides attaches sur le continent africain dans presque tous les domaines d'activité économique après avoir assuré leurs arrières dans plusieurs pays asiatiques. Mais cette soif d'investir n'a ni limite ni frontière. Aujourd'hui, Pékin vise l'Europe. Il lorgne du côté de ses maillons faibles qui supportent très mal les effets de la crise. La Grèce vient semble-t-il de tomber dans les mailles de leurs filets avec les grandes promesses d'investissement faites par le Premier ministre chinois, en visite il y a quelques jours à Athènes. La Chine va créer un fonds de 5 milliards de dollars pour aider à l'achat de bateaux chinois par des armateurs grecs. C'est le premier pas vers la diversification des investissements qui vont toucher jusqu'à la dette du pays. Pékin estime qu'Athènes « est capable de dépasser toute seule ses difficultés et par ses propres efforts » et promet ainsi de participer à l'achat de nouvelles obligations grecques dès que le pays reviendra sur les marchés financiers. Une manière bien claire de signifier aux dirigeants hellènes qu'il n'y a pas que l'UE et le FMI qui peuvent les sortir de l'état de quasi-faillite. Ce message économique, mais aux grandes portées politiques ne passe pas inaperçu dans une Europe en crise. Ce partenariat est déjà mal-vu par ses dirigeants. C'est une sorte de tête de pont que la Chine construit patiemment et dont elle a besoin sur le vieux Continent affirme-t-on dans les médias occidentaux ! La peur de ce grand dragon est grande, mais l'UE semble désarmée pour pouvoir le contenir.