Le lundi 25 octobre dernier, à l'Acropolium de Carthage, la soirée avait un goût particulier. Elle avait revêtu les couleurs de la solidarité et de l'aide à l'association « les Enfants de la Lune », une association qui vient en aide aux enfants atteints de « xeroderma pigmentosum », une maladie héréditaire, fréquente essentiellement dans les pays du Maghreb, et qui se caractérise par une hypersensibilité aux rayons ultraviolets. Cette maladie entraîne principalement des cancers cutanés et une dégénérescence de la vue et conduit le sujet à la mort. Non diagnostiquée et mal soignée, elle isole le patient et sa famille du reste du monde et cause le décès du sujet prématurément. C'est pour venir en aide aux personnes atteintes et accompagner les familles dans leur combat au quotidien contre la maladie que l'association «les Enfants de la Lune » en s'associant à l'Acropolium de Carthage a proposé aux mélomanes et aux dizaines de donateurs généreux, un concert sous le signe de Frédéric Chopin. Devant une salle comble, la pianiste Roberte Mamou, habituée de la scène de l'Octobre musical, et ses acolytes les violonistes Olivier Charlier et Bénédicte Mayeur, l'alto Jean-Eric Soucy, le violoncelliste Justus Grimm et le contrebassiste Christian Vander Borght ont joué un programme dédié exclusivement à l'œuvre de Chopin. Lors des deux parties que comportait le concert, les artistes ont conjugué leurs talents, ont mêlé leurs sensibilités pour habiller l'espace de cette musique profonde et légère qui ravit l'âme. Le monologue du piano était un enivrement mélancolique où l'intensité se fait sentir au détour de la note, le dialogue avec le violoncelle était une rencontre puissante entre les touches et l'archet où le grave et l'aigu se confondent et s'accompagnent dans une danse limpide. Enfin, le chœur des instruments était un ravissement lors duquel les échanges étaient empreints d'atemporalité et la partition le trait d'union entre l'atavique et l'actuel. Entre les deux volets de la soirée, un poème écrit par deux jeunes filles atteintes de la maladie a été lu par Martine Zaouche, membre de l'association. Un poème émouvant que Martine Zaouche a déclamé au public dans une tonalité émouvante, chaque mot, chaque rime avait revêtu une âme pour converser avec celle de l'auditoire. Le vendredi 22 octobre lors du concert assuré par les mêmes artistes (excepté la violoniste Bénédicte Mayeur) et au cours duquel le quintet a placé les convives entre le XVIIIème et le XIXème siècle à travers les œuvres de Johann Nepomuk Hummel, Gioacchino Rossi et Franz Schubert, on pouvait lire sur le programme l'annonce du concert caritatif et cette exergue « Vous aimez Chopin ? » A l'issue du concert de lundi, nous ne saurions répondre à cette question et si oui ou non nous aimons Chopin ; mais nous pouvons affirmer que nous avons aimé le concert, le talent incommensurable et incontestable des artistes, leur générosité de cœur (car ils ont joué gracieusement) et d'avoir répondu à l'appel de l'association. Nous pouvons affirmer également que nous avons apprécié l'initiative et la sensibilité des gens qui s'étaient mobilisés pour faire du concert une réussite. Ainsi, l'Acropolium de Carthage a ouvert ses portes pour la grande musique de Frédéric Chopin, offert sa scène à Roberte Mamou et ses compagnons de scène, accueilli des personnes altruistes et des mélomanes généreux. Le concert demeurera dans les esprits comme la rencontre d'un compositeur et d'un public, des artistes et d'une cause. Les musiciens ont offert un pur moment de bonheur pour les convives et ont redonné le sourire à des patients et leurs familles. Sensibiliser par l'art, c'est héler l'âme généreuse de l'Homme et dans les confins de la beauté de la lune se cache la profondeur de la solidarité pour que puisse sourire à nouveau un enfant en pleine lumière…