Le corps médical a pris conscience lors des dernières décennies, de l'intérêt thérapeutique des plantes pour soigner efficacement un grand nombre d'affections. Ces plantes médicinales utilisées par les hommes pour soulager les maux ont trouvé leur origine dans le végétal. Mais les effets indésirables attribués aux plantes médicinales sont devenus fréquents. Ils sont dus en grande partie à la méconnaissance de ces plantes et à leur mésusage par les patients et par les professionnels de la santé La flore médicinale est représentée en Tunisie en grande partie dans les forêts, et les garrigues. « Parmi ces plantes, beaucoup sont à l'origine de médicaments d'efficacité démontrée, dont les effets indésirables sont répertoriés et commercialisés après octroi d'AMM selon les législations en vigueur a précisé M. Chalbi Belkahia pharmacologue. D'autres plantes d'usage très fréquent, ajoute M. Belkahia, sont prescrites et conseillées sous forme de diverses préparations (tisane, huiles essentielles, extraits divers, teintures) mais elles ne bénéficient pas de statut de médicament enregistré. ». Il est vrai que ces plantes médicinales échappent en grande partie à la réglementation. Les consommateurs ne sont pas bien informés sur leur utilité. Ils utilisent sans le savoir ces plantes et choisissent eux-mêmes pour se soigner des traitements inadaptés avec souvent un certain nombre de surdosages involontaires. Or, on s'aperçoit qu'avec l'augmentation de la consommation de ces plantes médicinales le nombre de réactions indésirables augmente lui aussi. De nombreux médicaments à bases de plantes sont en vente libre. Dans une enquête de l'OMS portant sur 142 pays, 99 ont indiqué que la plupart de ces produits pouvaient être achetés sans ordonnance. Dans 39 pays, de nombreux remèdes traditionnels sont utilisés en automédication, achetés ou préparés par des amis ou des connaissances du patient. Ces pratiques soulèvent un certain nombre de préoccupations quant à la qualité des produits utilisés, à leur utilité thérapeutique pour une affection donnée et au manque de suivi médical Vigilance Lors de la mise en route d'un traitement, il est nécessaire de chercher à obtenir le maximum d'efficacité et le minimum d'effets indésirables en adaptant le schéma thérapeutique aux besoins et à l'état général du patient. Cette action en pharmacovigilance doit être faite à plusieurs niveaux comme l'a signalé M. Belkahia. « Il s'agit tout d'abord du recueil des effets indésirables lors des essais cliniques, qui doivent obéir à toutes les conditions des bonnes pratiques cliniques. Il ne faut pas aussi oublier la notification et le recueil des effets indésirables par les centres régionaux et le centre national de pharmacovigilance tout en insistant sur le fait que ces produits sont d'origine naturelle », d'après lui. Et il ajoute : « une action importante doit être entreprise pour sensibiliser les médecins, les pharmaciens et tout le personnel de santé à cette notification qui reste faible malgré une consommation croissante de médicaments à base de plantes. De très grands efforts ont été faits au niveau de l'OMS, du centre international de pharmacovigilance de Uppsalla et des centres nationaux ». Kamel BOUAOUINA ------------------------- Le rôle du centre national de pharmacovigilance Le rôle du professionnel de santé reste incontournable, ses notifications spontanées au centre national de pharmacovigilance sont nécessaires pour évaluer de façon continue le rapport bénéfice /risque de tout médicament mis sur le marché. M. Riadh.Daghfous, chef de service au centre national de pharmacovigilance nous explique en ces termes le rôle de cet organisme national. «Le centre national de pharmacovigilance (CNPV) s'occupe de la surveillance des plantes, de parties de plantes (racines, feuilles, fleurs, écorces, graines,…) et des extraits de plantes (extraits, teintures…) qu'elles soient fraîches ou desséchées, utilisées à des fins thérapeutiques. Ceci entre dans le cadre du même système que celui des autres produits de santé en l'occurrence celui des médicaments, avec des principes de monitoring qui sont identiques que ce soit à l'échelle nationale qu'internationale. Les effets indésirables (EI) attribués aux plantes médicinales ou aux « médicaments » à base de plantes doivent être notifiés au CNPV. Cependant et pour une meilleure imputabilité et une bonne analyse du cas, trois paramètres sont à préciser (au niveau de la partie commentaire de la fiche) : le mode de préparation (infusion, décoction, macération, ….etc), la dose et la partie de la plante (ou des plantes) utilisée(s). Les déclarations des EI peuvent se faire au CNPV par fax, par téléphone, par e-mail, par le site web ou, tout simplement, en adressant le malade à la consultation du CNPV. Les EI attribués aux plantes médicinales ne sont pas fréquents en Tunisie, en raison notamment de l'utilisation, relativement faible, de cette thérapie, mais le plus souvent graves. Il faut toutefois attirer l'attention sur certaines pratiques populaires et en particulier l'utilisation de préparations ou de plantes toxiques à des fins thérapeutiques. En effet, la majorité des EI qu'on reçoit au CNPV sont en rapport avec l'ignorance des dangers des préparations utilisées (sans avis médical). Ainsi, en plus de la surveillance des EI des plantes médicinales ou phytovigilance, le CNPV, par une meilleure information sur les plantes, les produits à base de plantes et les produits de la pharmacopée traditionnelle tunisienne pour les professionnels de santé, les mass média et le public, peut mieux sensibiliser les professionnels de santé et la population sur les dangers et l'usage rationnel des plantes médicinales ».