Le Président Talabani d'Irak a finalement décidé de ne pas envoyer à la pendaison Tarak Aziz, en dépit de la décision du tribunal. Le temps est peut-être venu à l'apaisement, à l'opportunité de « tourner la page », comme le dit Talabani lui-même. Et en effet, c'est plus sage quand ce n'est pas plus opportun et opportuniste d'enterrer la hache de guerre. On aurait bien souhaité la paix des braves, mais la bravoure a quelque peu perdu ses marques depuis que tout le monde s'en réclame avant de prendre sa part au jeu de massacre dont les victimes n'ont même pas eu droit à un tribunal. Talabani a donc préféré faire un geste, comme on dit. Reste que l'explication qu'il donne à son geste est pour le moins curieuse. Il refuse en effet de faire pendre Aziz d'abord parce que lui-même, Talabani, est socialiste, ensuite parce que Tarak Aziz est chrétien et qu'il est âgé de plus de 70 ans. Le rapport entre les différents arguments qu'il utilise n'est pas vraiment évident. En gros, Saddam Hussein par exemple n'aurait pas été pendu s'il avait été chrétien. Le socialiste que le Président Irakien dit être, fait des distinctions qui préfigurent bien des injustices à commettre du haut de son poste de pouvoir. On aurait pu penser à un lapsus. Mais plus loin dans son argumentaire présidentiel et quelque peu régalien, il précise que la page doit être tournée sauf pour les crimes commis contre les chrétiens dans l'exercice de leur foi et les chiites en pèlerinage. Comme il semble que l'Irak est aussi peuplé de sunnites, autorisation est ainsi donnée pour exterminer presque impunément ces derniers. Il y aurait des circonstances atténuantes inscrites au registre des confessions, ce qui va probablement freiner les efforts d'apaisement. On se disait pourtant que des formules avaient été trouvées pour asseoir un gouvernement dit de réconciliation. Le prochain départ du gros du contingent américain laissait supposer, apparemment à tort, que les rivalités confessionnelles allaient progressivement s'estomper dans une dynamique de reconstruction. Les dernières déclarations amènent à se demander si finalement les pestiférés n'allaient pas vers la mutation génétique du choléra, cette maladie dont les premiers symptômes sont la fièvre et l'incontinence. La fabuleuse histoire de l'Irak n'a décidément pas laissé que de bonnes leçons aux héritiers. Les guerres successives ont manifestement gangrené les esprits et perverti la moralité des fabulistes grisés aux effluves du pétrole. Du coup, on laissera probablement Tarak Aziz mourir de sa belle mort, dans une cellule sommairement médicalisée. Les sunnites d'Irak, on le craint, vont être poussés à l'instinct de conservation, donc aux crimes de vengeance. La réconciliation, improbable pour l'instant, ne va pas aller sans de la casse, pour ne rien changer au quotidien qui dure depuis un peu trop longtemps. B.B.R.