«Le Fou du Miroir», tel était le titre du spectacle présenté dernièrement par Mahmoud Abdennabi dans le cadre des Journées du one man show organisées par la Maison de la culture Ibn Rachiq. Les rares spectateurs qui étaient présents à ce spectacle ont découvert un grand conteur et déclameur de nouvelles et de poésie dans les deux langues, arabe et française. Le manque du public pourrait s'expliquer par le passage d'autres manifestations de plus grande envergure en même temps que ce spectacle, notamment les films programmés dans le cadre des Journées du Cinéma Européen. Et puis, le contenu du spectacle, branché plutôt sur la littérature que sur la rigolade (comme, c'est le cas dans les autres one man shows !), était derrière l'absence du public. Et pourtant, les quelques assistants au spectacle se sont montréattentifs et intéressés aux différentes performances de l'artiste qui a pu fasciner par son érudition, sa grande facilité d'élocution, sa parfaite articulation des mots et son remarquable accent oratoire, que ce soit en arabe ou dans la langue de Molière. L'on se demande pourtant pourquoi le comité organisateur a programmé un tel spectacle parmi les autres one man shows, sachant qu'il ne contenait pas les ingrédients d'un spectacle hilarant, fait de gags et de dérision. La seule analogie réside dans le fait que Mahmoud Abdennabi, ce grand conteur professionnel, était seul à jouer sur scène. Aucune autre ressemblance avec les autres one man shows programmés dans ces journées. Disons plutôt qu'il s'agissait d'un récital poétique, d'une soirée littéraire ou d'une sérénade qui rappelle les troubadours d'antan qui sillonnaient les villes pour chanter leurs poèmes et jouer leurs romances. En effet, pendant une heure et demie, l'artiste se déchaînait devant son miroir, tel un névrosé ou un fou délirant, en déversant tout le bagage littéraire et poétique qu'il avait appris depuis son enfance et sa jeunesse et qui commençait à devenir un lourd fardeau sur son cœur et sur son âme, si bien que l'acte de déclamer ces différentes poésies et de raconter toutes ces histoires anciennes était devenuun exutoire, un subterfuge pour l'artiste qui se sent délivré de tous ses maux, ses chagrins, son spleen. Aussi l'acte de se défouler devant son miroir serait-il une sorte de catharsis qui lui permettait d'extérioriser tous ses affects refoulés dans son subconscient ; c'est donc un acte de refoulement, comme disent les psychologues. « C'est un délire devant le miroir qui passe pour un confident, nous a confié l'artiste, une vidange de toute la culture que j'ai eue, à la recherche du bonheur!» Les textes poétiques ou en prose déclamés par l'artiste ont porté sur deux thèmes majeurs : la guerre et l'amour. Sa récitation rythmée, son accent tonique et sa bonne élocution constituaient à eux seuls une œuvre d'art par laquelle il a rendu honneur à la qualité des textes présentés et qui appartiennent d'ailleurs à des chanteurs, des écrivains et des poètes très célèbres qui ont marqué leurs temps respectifs par leurs brillantes créations artistiques et littéraires, tels que Brel, Ferré, Brassens, Aragon, Apollinaire, Maupassant, Nizar Kabani et Al Moutanabbi. Un fond musical accompagnait l'artiste dans sa lecture des textes et l'alternance entre les deux langues a été accompagnée d'un changement de costumes pour donner à chaque scène toute sa splendeur et sa particularité.