Il y avait foule avant-hier au soir, à la Maison des Arts du Belvédère, à l'occasion du vernissage de l'exposition: «Alexandre Roubtzoff et la Médina de Tunis», organisée conjointement par le ministère de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine et l'Institut Français de Coopération, pour rendre hommage à un grand peintre, d'origine russe, naturalisé français en 1924, et ayant choisi comme terre d'élection, la Tunisie, pour y façonner une œuvre, aussi riche que variée, repue de lumière, qui est aussi sa marque de fabrique. Occasion aussi de présenter une nouvelle publication consacrée à l'artiste: «La Médina de Tunis et Alexandre Roubtzoff» de Jacques Pérez (Dunes éditions 2010), qui vient à point nommé, jeter un autre éclairage, sur un peintre, qui sut à merveille, élargir sa palette, selon l'inspiration, ses inclinaisons et ses goûts, en toute liberté, toujours à l'aise face à son chevalet, qu'il le place en intérieur ou au dehors en pleine nature, étant pourvu d'une solide formation académique acquise à Saint-Pétersbourg, et d'un sens inouï de la couleur, sensible à toutes ses vibrations. Du 2 décembre courant, et jusqu'au 2 janvier 2011, l'exposition permettra de découvrir plus d'une cinquantaine de dessins et une vingtaine de peintures, de celui qui n'a eu de cesse de traquer les gestes et le quotidien d'une Tunisie de l'entre-deux guerres, dans les dédales de la médina antique, à travers les souks des métiers, mais aussi lors de ses innombrables incursions à l'intérieur du pays, notamment dans le sud qu'il chérissait, mais pas seulement puisque ce peintre voyageur, voyagea justement beaucoup, en Europe aussi où il put peindre d'autres paysages, traquer d'autres lumières. Il va sans dire que celle chaude, et parfois assez violente de la Tunisie a dû toucher en lui quelque fibre sensible, puisqu'il passa maître dans l'art d'en restituer tout l'éclat sur ses toiles, comme un printemps flamboyant qui serait sans fin. Né le 24 janvier 1884 à Saint-Petersbourg, Alexandre Roubtzoff, par ces étranges coups de dés du destin, se retrouva à Tunis, à partir de 1914, et s'y installa définitivement, sans pour autant cesser ses allées et venues vers la France, mais aussi vers l'Angleterre, l'Espagne, l'Italie…, pour nourrir sa verve, et satisfaire à son insatiable curiosité qui le poussait à expérimenter les paysages et les genres, ne cessant jamais de travailler et de créer, ne rechignant pas à produire de « l'alimentaire », -les fameuses scènes d'intérieur ou les portraits-, ou ce qu'il affectionnait par-dessus tout : à savoir l'incursion au cœur de ses sujets et de ses thèmes de prédilections, de facture orientaliste, mais à sa manière attentive et naturelle, de dévoiler le détail sans le trahir, mais plutôt en en traduisant la beauté sous toutes ses formes. Femmes, bédouines ou citadines, métiers en dépérissement, costumes et tatouages, nus, paysages du sud à la lumière chatoyante, ou encore le détail d'une demeure, ou d'une porte de la médina, à la manière d'un cinéaste qui placerait sa caméra en resserrant l'angle de sa prise de vue, pour filmer le grain, et la tessiture des choses. Mongia, Manoubia, Sidi Bou-Said, Sidi Mahrez, croquis, dessins ou peintures rendent compte, inlassablement, de la minutie picturale, et de l'attention exacerbée que l'artiste prête à ses sujets, et la finesse de ses nuances, comme un poème dont les pulsations rendent compte d'un univers, qui est, qui risque de disparaître, qui a peut-être disparu du reste, mais dont le chemin est travaillé en pointillés, par un amoureux de la Tunisie, décédé un certain 26 novembre 1949 à Tunis. Son œuvre, car il était prolifique, témoigne du temps qui passe, de l'éphémère, comme de l'éternité de l'art…