Raouf KHALSI - Qu'est ce qu'un ambassadeur ? C'est un diplomate dont la mission première est de raffermir les liens d'amitié et de coopération entre son pays et le pays auprès duquel il est accrédité. Et, à plus forte raison, lorsque cet ambassadeur est mandaté par Washington , la capitale du monde, la capitale de l'hyper-puissance mondiale et qui tient toujours le discours de la paix, des libertés et de la justice ! Or que se passe-t-il ? WikiLeaks provoque « le 11 septembre de la diplomatie mondiale »… Des millions de fuites « diplomatiques » en disant long sur les techniques des ambassadeurs du gendarme du monde… Diplomatie ? Plutôt voyeurisme ; populisme qu'on verrait plus commodément dans des tabloïds de bas étage. Vaguement grommelant, mais réellement gênée, Madame Clinton a confié à notre ministre des Affaires étrangères (cf nos pages nationales) que « ces fuites sont des appréciations personnelles des ambassadeurs des Etats-Unis d'Amérique et n'expriment aucunement les positions de Washington ou ses relations diplomatiques avec les différents pays »… Avec tous les pays, voulait-elle dire, sauf Israël, justement, le seul qui ne figure pas sur les tablettes de WikiLeaks ! Or la diplomatie tunisienne est mue par la sagesse. Par la recherche de la paix. Par le respect de la légalité internationale. Nous sommes ainsi le seul pays arabe qui n'ait jamais « exprimé » d'ambivalences sur la cause palestinienne. Nous sommes, oui nous, cette toute petite Tunisie, le garant de la stabilité dans notre région et le rempart contre l'intégrisme, durant les années 90 alors que le feu tonnait à nos frontières. C'est la Tunisie qui empêche Al Qaïda du Maghreb d'élargir ses zones d'influence alors que la conscience mondiale réalise enfin l'illégalité et la vanité de l'invasion de l'Irak et l'acuité du bourbier afghan. On appelle cela la macro-diplomatie, une élévation éthique, morale, humaniste et, quand il faut,, humanitaire. Et le rôle de la Tunisie dans Oslo I et Oslo II ? et ses bons offices pour que le Maghreb se remette en marche ? En contrepartie de notre pragmatisme, de notre modération et notre sens de l'amitié, M. Welch (émissaire américain) prête à la Tunisie une dissidence arabe : il rapporte qu'elle ne participerait pas au sommet de Damas alors que notre pays y a participé au plus haut niveau ! Pis encore : le porte-parole du secrétaire d'Etat faisait part, il y a six mois des inquiétudes américaines « quant au recul de la liberté de la presse en Tunisie » et cela même alors que la doyenne des journalistes accréditées à la Maison Blanche était vulgairement éjectée dehors pour avoir ouvertement critiqué les outrances des colonies israéliennes ! Fuites, contre-sens, interprétations abusives, personnalisation des faits et des choses : est-ce ainsi que fonctionne la diplomatie ? Et cela nous renvoie même pas au désormais mythique combat entre CIA et KGB… Et puisque nous sommes dans la mythologie un 007, lui, sauvait toujours le monde. Il est british. Or des agents secrets de son envergure ne se reconnaîtraient pas dans les histoires d'alcove de certaines chancelleries américaines ! Oui, « ces fuites n'auront pas de conséquences sur les relations entre la Tunisie et les Etats-Unis ». C'est encore une position de grandeur de la Tunisie. Il est néanmoins temps que les Etats-Unis revoient leurs comptes. Une diplomatie subversive du fait que des diplomates de carrière sont habités chacun par un Hoover *, peut aller jusqu'à la chasse aux sorcières, technique qu'on croyait intra-muros aux Etats-Unis, mais qui a tendance à déverser ses perversions dans les capitales « amies ». Raouf KHALSI
* Hoover a été à la tête du FBI durant plus de 40 ans. Espionnite, voyeurisme, camouflage, procès sous prétexte d'intelligence avec le communisme : il tenait le pays à coups de commérages…