Par Bourguiba Ben Rejeb - Le Président russe, Medvedev, vient de lancer un coup de gueule contre la montée de la xénophobie chez lui. Il faut dire que des foules excitées sont venues clamer sous les fenêtres du Kremlin que la Russie était pour les Russes. Juste pour la précision, les protestataires étaient des supporters de foot chauffés à blanc par une vague histoire d'animosité avec des Caucasiens eux aussi grisés par d'aussi vagues rivalités footballistiques. Mais on sait depuis longtemps que ces rivalités là ignorent la raison. La sortie de Medvedev se justifie en fait par la tournure politique prise par les événements. Beaucoup des manifestants appartiendraient à son clan politique à lui, et les plus critiques disent que le parti du président est pour quelque chose dans la montée du racisme. Pour le moins, l'hôte du Kremlin tolèrerait une surdose de nationalisme pour occuper les foules au moment où il ne propose pas de véritables solutions à la crise. Dans ce domaine, la Russie ne déroge pas à la règle, les crises étant à n'en plus douter le fait des étrangers mangeurs du pain des nationaux sous toutes les latitudes. Après coup, les démographes peuvent toujours dire que la Russie a besoin d'un million d'étrangers, de préférence jeunes et bien portants, pour assurer l'activité du pays. En regardant dans le rétro, les nostalgiques se disent toujours que l'âge d'or est celui où le mélange des races fut une aberration. Toutes les Histoires de tous les pays, attestent du contraire, même et surtout les histoires de football. On achète toujours les mains et les pieds qui vont faire gagner, furent-ils venus d'ailleurs. Et c'est seulement quand le vent tourne qu'on retourne casaque. Notre quotidien est nourri de ces trous de mémoire, sauf que les humeurs changeantes du monde du football peuvent tenir de viatique pour les politiques en mal d'imagination. La Russie n'est pas la seule dans ce cas de figure puisque même les plus pauvres parmi les pauvres pratiquent de temps à autre les purifications sanglantes réputées infléchir le cours de l'histoire et rassurer les bonnes consciences. En Russie, des Caucasiens seraient remontés vers Moscou pour laver l'affront. On ne sait pas encore s'ils sont armés de machettes, comme ce fut le cas au Rwanda. L'envie d'en découdre ne manque pas, d'un côté comme de l'autre. Dans les guerres civiles comme dans les grands défis du football, gare au vaincu, que sa défaite soit à la régulière ou due aux petits coups de pouce de l'arbitre. En fixant son regard sur le rétroviseur, on peut aller droit au mur. Ce qui n'est pas spécialement rassurant pour le reste du monde.