Ce que nous avons retenu du concert donné mardi dernier en fin d'après-midi par l'ensemble grec En Chordais, c'est d'abord la maîtrise avec laquelle chaque musicien jouait de son instrument : les nombreux solos sur violon, luth ou qanun, furent magistralement exécutés. Il n'était d'ailleurs pas nécessaire de comprendre les paroles chantées d'une voix forte, mais très mélodieuse de l'interprète vedette du groupe ; avant ce dernier, le violoniste, le luthiste et le « harpiste » nous introduisirent sans peine dans le monde enchanteur et troublant de la nuit romantique, ils nous firent partager la complainte nostalgique de l'exilé, et nous menèrent dans une belle traversée du temps, à la rencontre du folklore grec authentique. Mais la troupe nous joua aussi quelques unes de ses nouvelles compositions : pour la plupart, elles étaient très rythmées, jeunes, gaies et le public vibra davantage qu'à l'écoute des morceaux byzantins du XVIème et XVIIIème siècles. Le parterre s'emballa encore plus lorsqu'il reconnut quelques airs arabes dans les chansons du groupe et surtout, lorsqu'on lui reprit « ala baladi el mahboub », air célèbre de la diva égyptienne Oum Kalthoum. Etait-ce pour rapprocher de nouveau, deux des plus vieilles et des plus prestigieuses civilisations et cultures de l'histoire de l'humanité ? Etait-ce pour souligner les parentés multiples entre les peuples et les cultures de la Méditerranée ? En tout cas, il régnait comme un air de famille, mardi soir, au Théâtre de la Ville de Tunis : la musique exécutée sur scène réunissait ostensiblement les deux rives du bassin méditerranéen, car on retrouvait des mélodies communes à notre malouf maghrébin et andalous, au patrimoine turc, au folklore grec, et un écho des « mawals » syriens et libanais. Le concert du groupe En Chordais a ainsi administré une nouvelle preuve de l'universalité de la musique et de son rôle crucial dans la promotion des valeurs de fraternité et de concorde entre les hommes et les nations. Badreddine BEN HENDA ---------------------------- Les à-côtés du spectacle L'ensemble En Chordais s'est produit partout dans le monde et a donné plus de 400 concerts depuis sa création. En 2008, il reçut en France le prix de la meilleure musique mondiale. Le groupe grec est composé de cinq musiciens : un luthiste, un violoniste, un harpiste, un percussionniste et le chanteur. Ils étaient tous de noir vêtus. L'ensemble donna son concert avant-hier à 18 heures 30 au Théâtre municipal devant un parterre de quelque 150 spectateurs parmi lesquels on comptait beaucoup de ressortissants grecs. Notre amie et collègue Marianne Catzaras y était avec sa famille et, tout au long du spectacle, nous pûmes mesurer l'émotion et le plaisir éprouvés par les membres de ce groupe en écoutant les morceaux joués et chantés par les musiciens de leur pays. Le chanteur de la troupe jouait aussi de curieux instruments de percussion. En l'approchant, nous découvrîmes qu'il s'agissait de quatre petites cuillères en bois dont il se servait comme des castagnettes. Le français dans lequel le luthiste du groupe présentait son programme était, pour nous du moins, plus inintelligible que son grec. Nous parvînmes avec beaucoup de peine à noter quelques titres de chansons et saisîmes très mal le discours destiné à expliquer le contexte qui a vu naître ces morceaux. Lorsque le musicien se mit à parler anglais aux spectateurs, il nous fut encore plus pénible de le suivre. Certains spectateurs ne dérogèrent pas à leurs mauvaises habitudes chaque fois qu'ils assistent à un spectacle : ils remuèrent et bavardèrent tout leur soûl pendant le concert et bien entendu « oublièrent » d'éteindre leurs portables. Il faisait plus doux dehors qu'à l'intérieur du théâtre, mardi soir. Nous dûmes même souffrir quelques courants d'air qui réveillèrent nos douleurs articulaires et obligèrent d'autres spectateurs et spectatrices à remettre leurs manteaux.