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«Nous refusons l'instrumentalisation de nos revendications sociales légitimes à des fins politiques» Au cœur de Sidi Bouzid –Les jeunes arrêtés puis relâchés et leurs parents unanimes
Le câble de notre envoyé Walid KHEFIFI - La colère est mauvaise conseillère. S'il est vrai que ce dicton prend tout son sens dans le contexte du mouvement de protestation déclenché le 19 décembre à Sidi Bouzid, dans le sillage de la tentative de suicide d'un jeune chômeur, il n'en demeure pas moins que la colère n'était pas l'unique mauvaise conseillère des jeunes de cette région. C'est ce que nous ont confirmé des jeunes qui ont été arrêtés puis relâchés ainsi que leurs parents. Hier vers midi, nous entrâmes dans une ville qui paraissait s'être assagie. La foule abondait dans le centre ville où tous les magasins ont rouvert. Des jeunes attablés dans les cafés sirotaient tranquillement leurs cafés. « Hormis des rares escarmouches qui se sont poursuivies ces derniers jours dans les quartiers périphériques, aucun incident majeur n'est venu troubler la ville qui retrouve peu à peu sa quiétude habituelle », raconte Mouldi Abbassi. Ce jeune homme, qui vient de souffler sa 25ème bougie, a été arrêté le mardi 21 décembre avant d'être relâché le lendemain dans la soirée. «Alors que je rendais visite à ma grand-mère, j'ai été arrêté dans la rue près de la cité Ennour où je me suis trouvé au milieu d'un petit groupe de jeunes qui enflammaient des pneus, puis s'enfuyaient à l'arrivée des forces de l'ordre», précise le jeune homme, indiquant qu'il refuse catégoriquement le recours à la violence. Et d'ajouter: « les jeunes de la région ont le droit d'exprimer leurs revendications sociales dans le calme mais sans recourir à la violence et sans jamais en faire un prétexte pour perpétrer des actes de vandalisme». Bien qu'il soit lui-même demandeur d'emploi, Mouldi fait preuve de beaucoup de sagesse. «. Personnellement, j'ai tenté d'exercer le métier de chauffeur de taxi, mais les autorités locales m'ont informé qu'on n'accorde les autorisations qu'à ceux dont les parents sont décédés. En dépit de cette réponse tirée par les cheveux, j'ai pris mon mal en patience car je sais pertinemment que notre pays est peu nanti en ressources naturelles», dit-il. Instrumentalisation à des fins politiques Le jeune homme qui exerce occasionnellement comme ouvrier dans les chantiers ne décolère pas également contre l'instrumentalisation des revendications sociales à des fins politiques. «Dans des déclarations accordées à des chaînes satellitaires, certains syndicalistes et hommes politiques présentent souvent les tendent souvent à instrumentaliser des revendications purement sociales à des fins politiques. Il est clair qu'ils visent à rendre la situation plus tendue par la dramatisation et l'amplification», précise-t-il. Abondant dans ce même sens, Mme Fatma Bouzidi, la mère de Mouldi avoue qu'il faut être le « fils d'un tel » pour décrocher un emploi dans la région de Sidi Bouzid. « La région est avant tout victime de l'indifférence des responsables locaux qui servent en premier leurs proches et amis. Mes deux filles diplômés et mon fils ont présenté, tour à tour, des demandes de crédits auprès de la Banque Tunisienne de Solidarité, mais à chaque fois la réponse de la direction de cette banque tombe tel un couperet : « Il vous faut un garant». Comment peut-on trouver un garant sur crédit alors que tous nos proches et nos voisins se trouvent dans la même situation que nous ? Malgré cette situation ubuesque qui perdure depuis des années, nous refusons le recours au vandalisme et la politisation de nos revendications qui sont purement sociales», confie Mme Fatma. De son côté, M. Salah Bakkari, père d'Amine Bakkari, un jeune placé en garde à vue mercredi dernier et relaxé une journée après, estime que certaines «parties malintentionnés, dont notamment des militants de certains partis politiques, ont intérêt à ce que le mouvement de protestation contre la marginalisation et le chômage s'éternise». Et de renchérir: «les protestations ont été au départ spontanés et légitimes, mais ces personnes malintentionnés ont tenu à manipuler plusieurs jeunes de la région, ce qui est inadmissible »