Un entraîneur de football (ou de n'importe quel sport collectif) est un métier ingrat. Assis sur un siège éjectable, il demeure à la merci du caprice du ballon rond et des circonstances très aléatoires. Si les Résultats de l'équipe qu'il dirige sont positifs, il est applaudi, ovationné, félicité, loué voire adulé. Par contre, si la chance lui tourne le dos, si les résultats ne suivent pas. Il est seul contre tous comme un naufragé au beau milieu de l'océan. Mis à l'index, il est souvent hué, méprisé, humilié voire offensé. Il paye cher les pots cassés on lui impute la responsabilité de tout échec . Samir Jouili, le jeune coach de l'USMo qui faisait, il n'y a pas si longtemps, l'objet de tous les éloges et de toute la reconnaissance, qui a crevé l'écran , vient d'être récemment " remercié " (par euphémisme) par le bureau directeur usémiste, remplacé par un Allemand du nom de Tony Hay) pour " insuffisance de résultats ". Bouc émissaire (n'a pas été, n'est pas, ne sera pas le seul) il paye " cash " les frais d'un tir mal ajusté, d'une balle qui frôle le montant, d'un mauvais placement ou autre bévue d'un joueur quelconque. Après ce nouveau rebondissement au début de sa carrière, nous avons jugé utile de rencontrer l'intéressé, de parler de cette nouvelle tournure et de son avenir professionnel. Le Temps : Après une saison plus ou moins faste, on vient d'apprendre votre éviction. Est-ce que vous vous attendiez à cette rupture ? S. Jouili : Absolument non, dans la mesure où je demeure convaincu que l'expérience passée à la tête de la direction de l'USMo est très positive. Le bilan est très flatteur de l'avis de tous les connaisseurs. Les résultats et les chiffres en témoignent. Après " 84 ans d'existence, l'USMo (créée en 1923) n'est jamais arrivée à ce rang. Nous avons obtenu une méritoire 4ème place au classement général (nous méritons nettement mieux). Sur le plan comptable, nous avons récolté 47 pts (37 pts la saison écoulée). Nous sommes qualifiés pour la Coupe de la CAF, une première historique pour le club, nous avons donné à l'équipe, un cachet propre, un fond de jeu de qualité qui a plu et a convaincu tous les observateurs. Jusqu'au dernier virage, nous étions les proches du podium (que nous avons raté faute d'expérience). Nous avons lancé dans le bain plusieurs jeunes, les Boukouraâ, Mosrati, Ben Belgacem, Mzali, Guelbi attirent toutes les convoitises. Que voulez-vous de plus. Je pars la conscience tranquille, je ne pense pas avoir échoué à l'USMo. Le Temps : Qu'est ce qu'on vous reproche exactement pour décider de vous évincer ? S. Jouili : On ne me reproche rien. Au niveau des résultats, on a même dépassé les objectifs initialement tracés au départ. A ma nomination, on n'a jamais évoqué titre et couronnement. On s'était mis d'accord sur deux finalités. En championnat améliorer le classement et en Coupe aller le plus loin possible dans cette épreuve. Je pense que ces deux objectifs ont été largement atteints. Si le divorce a été consommé ce n'est pas à cause des résultats obtenus mais cela est dû essentiellement à une divergence au niveau de la conception du travail et de l'approche de l'avenir. Soyons honnêtes et clairs. L'USMo version 2006-2007 a accédé à la cour des " grands ". Garder ce précieux acquis, rester au sommet de la hiérarchie sera très difficile surtout que les potentialités humaines (surtout) et les moyens matériels ne répondent pas aux exigences très dures de la prochaine saison (2007-2008). Actuellement , l'effectif est très décimé. La colonne vertébrale de l'équipe est presque partie. Le portier Nefzi (33 ans) est tenté par une expérience au CA (pourparlers très avancés) Moez Aleya a décidé de changer d'air, F. Nevez est au Qatar, Atef Felhi et Ali Ben Abdelkader sont très sollicités en Tunisie, T. Salem est en longue période de convalescence, Jerry Adriano est parti à l'EST. Certes, la pépinière usémiste regorge de talents mais je ne pense pas avec le départ " des joueurs cadres " que l'USMo soit capable de rééditer les résultats performants de cette année. Or, les membres du bureau directeur semble ignorer ces données et nourrissent des ambitions démesurées. C'est à ce niveau là que réside la mésentente. Incompatibilité qui a accéléré la rupture . En tous les cas, malgré tout, je souhaite bonne chance et bonne continuation à mon équipe de toujours. Je resterai le premier supporteur des " bleu et blanc ". Le Temps : Pensez-vous que l'USMo était capable de mieux faire ? S. Jouili : Sincèrement non. Je ne dis pas cela parce que j'ai quitté les Usémistes mais en toute objectivité, je crois que certains facteurs ont faussé la note. Dans le dernier virage de la compétition, la plupart des joueurs étaient dans le flou. Leur avenir professionnel était incertain. Le BD n'a jamais essayé de discuter avec eux et de clarifier leur situation. Cela s'est répercuté négativement sur leur rendement. Je ne cherche pas ici un alibi pour justifier la fin de parcours peu reluisante. C'est une vérité indubitable . Mes poulains psychologiquement n'étaient pas à l'aise. D'ailleurs peut-on expliquer l'exode massif des joueurs usémistes. 11 joueurs sont en fin de contrat. 2 seulement ont renouvelé. Les 9 autres avaient l'esprit ailleurs. Le Temps : Parlez-nous maintenant de votre avenir et de vos projets ? -S. Jouili : Actuellement je suis en train d'étudier trois offres sérieuses, deux émanent de clubs de la Ligue professionnelle " Une ". L'autre émane d'un pays du Golfe. D'ici quelques jours, je ferai mon choix. Que Dieu viendra en mon aide pour continuer mon travail. Le Temps : Le mot de la fin ? S. Jouili : Que tout le monde sache à Monastir que le staff technique (Karim Sbaï, mon adjoint et moi-même) a accompli un travail honnête et consciencieux . Je le répète encore, si la rupture a eu lieu c'est surtout parce que l'avenir du club est différemment conçu. Entretien conduit par Mounir GAIDA