L'inquiétude s'empare d'une partie de la population. Face aux complications que rencontre la constitution d'un gouvernement provisoire, le manque de confiance envers certaines personnalités de l'ancien régime, toujours présents dans le nouveau gouvernement et l'insécurité qui règne dans nos rues, la population craint de voir sa révolution se transformer en une guerre civile ou en un bain de sang. La population a peur et ça se comprend. Elle n'a pas l'habitude d'assister à des différends politiques, ni d'y prendre part. Elle n'a pas l'habitude de s'exprimer, ni d'avoir accès à l'information portant sur les membres du gouvernement. Une grande majorité, ne s'est jamais intéressée jusqu'à aujourd'hui à la Constitution ni n'a pratiqué son droit du vote. Sa peur est légitime et se comprend, mais cette même population ne devrait pas oublier que c'est elle et que c'est grâce à elle seule, que ces politiciens dont on entend aujourd'hui parler peuvent contester ou accepter le gouvernement provisoire. La population ne devrait pas oublier ses exigences formulées clairement et simplement avant la chute de l'ancien président et qui, toutes exigent un régime libre et démocratique. Or, entendre aujourd'hui des gens qui appellent l'armée à prendre le pouvoir pour mettre fin à la situation actuelle et faire appel à un général d'être président, même provisoirement, avorterait ce grand rêve avant même sa naissance. Il est certes essentiel de saluer la neutralité de l'armée tunisienne et son respect de la volonté du peuple, mais alors si l'armée elle-même n'a pas profité de la situation pour gouverner, le peuple ne devrait pas à son tour se dessaisir de sa volonté et de sa liberté pour surpasser une situation, difficile, mais provisoire. Rappelons-nous que l'ancien régime a pris le pouvoir suite à un coup d'Etat, pourquoi ferons-nous une révolution pour qu'elle se transforme ensuite en un coup d'Etat et briser le rêve de liberté pour le supplanter d'un régime militaire ? Même provisoire. Il est normal qu'on panique, on n'a pas encore l'habitude, mais la démocratie ça s'apprend. Nous avons fait un changement, nous devons l'assumer et lui laisser le temps de mûrir. Avant-hier, l'économiste Moncef Cheikhrouhou a par ailleurs expliqué lors d'une interview accordée à France 24 « qu'on assiste aujourd'hui à une pédagogie de la démocratie, jusqu'ici inconnue en Tunisie et que les divergences sont alors normales. Ce qui se passerait après serait que les politiciens retourneront à la table et entameront des négociations ». Alors, accordons-nous le temps, la chance et l'occasion d'apprendre la démocratie. Il revient également au gouvernement de faire des concessions et de faire preuve de volonté pour rassurer son peuple, qui pris de panique pourrait se détourner complètement de son œuvre et faire appel à l'armée. Ne pas imposer une majorité appartenant au parti du Rassemblement Constitutionnel Démocrate et faire appel aussi à des indépendants compétents au sein du gouvernement et dans les postes de ministres cela dénouera sûrement la situation. De son côté, le peuple ne devrait pas céder à sa peur ou alors c'est sa liberté qu'il laissera tomber. L'armée a fait preuve d'honneur, et à sa tête Rchid Ammar, mais elle n'a fait que son devoir et elle devrait continuer à le faire : protéger le pays et le peuple. Rappelons par ailleurs à ceux qui appellent à un régime militaire, le coup d'Etat effectué par Jamal Abdennasser en 1952 qui a fait tomber une monarchie, mis fin à une injustice et a été acclamé par la population certes, mais le même régime existe encore, avec la succession de trois présidents, dont le dernier est au pouvoir depuis 30 ans. Rappelons le régime militaire qui s'est installé en Algérie et qui dure encore… Et puis pourquoi aller si loin, rappelons-nous que l'ancien président est avant tout un militaire. A l'époque, il avait sauvé le pays d'un bain de sang et il a été salué par son peuple qui a vu en lui son sauveur, mais depuis… Le peuple n'a pas besoin de sauveur aujourd'hui, et il ne devrait pas faire appel à un sauveur. Il a choisi sa destinée, il devrait alors choisir une personne qui respecterait simplement sa volonté et travaillerait sur la construction de cette dignité. Le peuple tunisien s'est libéré lui-même, sans intervention étrangère, sans appui des politiciens, alors il ne devrait offrir son œuvre à personne et personne n'a le droit de la lui confisquer…