La grève de deux jours observée par les employés municipaux chargés de la collecte des ordures a transformé la capitale en cité dépotoir. En traversant ses quartiers et ses artères principales, on se rend très facilement compte que malgré les efforts dépensés par les habitants et les commerçants pour nettoyer les zones où ils se trouvent, les détritus continuent de s'amonceler à tous les coins, de nuit comme de jour. Hier encore, et bien que l'on ait annoncé la reprise du travail des ouvriers, les bennes d'ordures mirent beaucoup de temps pour atteindre les quartiers et jusqu'à 16 heures dans certaines agglomérations, on attendait encore leur passage. Mardi, il fallait aussi voir comment les immondices de tous genres jonchaient l'Avenue Habib Bourguiba, une des fiertés de la capitale. Il n'était pas possible pour les commerçants riverains de l'en débarrasser, ne serait-ce qu'en partie ; en effet, les manifestations qui se succédaient sur les lieux empêchaient toute initiative de nettoyage. De plus, chaque groupe de manifestants laissait derrière lui diverses traces de son passage : manifestes polycopiés, lambeaux d'étendards, emballages et restes de coupe-faim etc. Du côté de Bab El Khadhra, Bab Souika, Bab Bnet, devant le siège du Premier Ministère et tout autour de la Kasbah, c'est souvent le même paysage désolant qu'on déplore et devant lequel la majorité des citoyens reste quasiment impuissante. Les médias (et plus particulièrement les chaînes de télévision publiques et privées) s'employaient à ce moment-là à fustiger les enseignants du primaire et du secondaire qui avaient eux aussi décidé leurs grèves. Ne fallait-il pas reprocher également aux employés municipaux l'inopportunité de leur débrayage ? Le « grand ménage » politique entrepris dans le pays doit-il nous faire oublier la propreté de nos cités ? Le discours que nous tenons là peut paraître en totale discordance avec les revendications que l'on entend de toutes parts ces derniers jours. Mais le pays qui a su sans trop de dégâts se débarrasser de la « crasse » et de la « pourriture » humaines qui le souillaient ne devrait pas admettre que sa « révolution » propre se poursuive au milieu des détritus.