• L'Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD) révèle des témoignages accablants - Quatre femmes dont les enfants ont été tués par balles lors de la répression des manifestations anti-Ben Ali en Tunisie ont apporté hier des témoignages émouvants sur ce qu'elles ont qualifié d'"exactions sauvages" commises par les forces de sécurité. L'Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD), une organisation indépendante dirigée par la juriste Sana Ben Achour, a été la première à dépêcher sur le terrain une "commission enquête et vérité". Pendant six jours, du 8 au 14 janvier, au beau milieu des troubles, huit femmes, dont des avocates, des médecins et des militantes des droits humains, ont recueilli les témoignages des habitants des localités du sud-ouest. "Nous nous sommes rendues dans quatre villes, Kasserine, Thala, Meknassy et Regueb, qui ont particulièrement souffert de la répression violente de la police et ont payé le prix fort avec de nombreux morts, des jeunes, et un grand nombre de blessés", a relaté l'avocate Hayet Jazzar lors d'une conférence de presse mercredi. Sa collègue Emna Zahrouni a parlé d'"agressions farouches, de tortures, vols, viols et d'attaques de domiciles commis par d'impressionnantes forces de sécurité". Elle a présenté la souche d'une bombe lacrymogène trouvée à Regueb portant l'inscription "made in USA / CTS combined tactical systems" avec l'adresse du fabricant. "Des snipers et des unités des Brigades de l'ordre public (BOP) de sinistre réputation sont allés jusqu'à tirer sur la foule lors des cortèges funèbres, ce qui a obligé les familles à fuir, laissant les dépouilles par terre", a dénoncé Emna Zahrouni. Un court métrage intitulé "Témoignages des populations du centre-ouest victimes de violences" a été projeté lors la conférence de presse organisée par l'AFTD. Dans le court métrage, une jeune fille de 15 ans raconte avoir été victime d'une tentative de viol lorsqu'elle est allée au secours de son frère qui gisait dans un bain de sang après avoir été touché par balle à la jambe. Les personnes présentes à la conférence ne pouvaient plus retenir leurs larmes quand les mères de quatre jeunes âgés de 17 à 19 ans tués par balles, vêtues de noir, ont crié leur douleur en relatant les faits. "Mon fils, Marouane, n'avait que des pierres entre les mains et ils ont tiré sur lui à balles réelles, l'atteignant à plusieurs endroits. Il était dans la fleur de l'âge et voulait manifester pour la liberté et la dignité", a raconté Hayet Jemni. Toutes ont réclamé que les coupables soient traduits en justice. "On ne veut pas d'indemnités, on veut que justice soit faite", ont-elles déclaré devant l'assistance. "On nous disait que (l'ancien président Zine El Abidine) Ben Ali était notre père, mais ses mains sont tachées du sang de nos enfants. Il faut qu'ils rendent des comptes, lui et ses sbires", a plaidé Monai Tribi, mère de Yassine, 19 ans, tué à Thala. La commission compte poursuivre ses investigations dans d'autres régions pour "faire éclater la vérité sur ce qui s'est passé", a déclaré la présidente de l'ATFD.