Il est indéniable qu'il faille reconsidérer toute la stratégie théâtrale intra-muros, à la lumière des bouleversements que vient de connaître le pays, sans omettre toutefois un facteur important : tout n'allait pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, concernant un secteur, marginalisé plus qu'à son compte jusque-là, et dont les chamboulements qu'il a été amené à vivre à tous les niveaux, ne peuvent, en réalité, que lui être bénéfiques. Dans la mesure où il s'avère que tout est à déconstruire, avant de penser à entamer l'entreprise de nivellement, censée redonner à cet art, ses lettres de noblesse, dans l'objectif d'organiser enfin, un secteur qui a beaucoup pâti, jusqu'à un passé très proche, -faut-il le rappeler ?- des multiples dépassements commis par ceux qui étaient censés le servir, et qui n'ont réussi au fait qu'à l'appauvrir, dans toutes les acceptions du terme. Avant-hier soir sur la chaîne « Hannibal », le débat central de l'émission hebdomadaire « Bidouni Moujamala », a tourné en substance, sur la réalité du quatrième des arts sous nos latitudes. La manière avec laquelle il était devenu au fil des années, la chasse-gardée de quelques « élus » qui en ont essoré le cœur battant jusqu'à l'assécher, se fichant éperdument de le réduire à néant, ayant, dans la foulée, vendu leurs âmes aux plus offrants et foulé aux pieds, tous leurs scrupules, a fait que le théâtre s'est petit à petit, vidé de sa substance, en laissant sur le carreau, bien évidemment, les laissés-pour compte de toujours, à l'instar des comédiens qui en ont plus qu'assez de manger de la vache enragée, et qui l'ont, par ailleurs manifesté bruyamment et avec beaucoup d'émotion, lorsque l'équipe de « Bidouni Moujamala » leur a tendu le micro. Le registre des doléances est lourd et les revendications autrement légitimes, qui ont trait à une profession dont les repères ont été brouillés, et dont il importe de revoir au plus vite, les tenants, comme les aboutissants. Et s'il est vrai que les divers témoignages ont surtout concerné l'aspect social de la question, avec la précarisation à laquelle ont été acculées des générations de comédiens qui ont sué sang et eau par amour pour le théâtre, et qui n'en n'ont jamais recueilli les usufruits s'il en est, c'est parce que l'image, censée être romanesque, de l'artiste maudit, ne résiste pas à l'usure, ni au passage des ans, et qu'on supporte difficilement, à quarante, comme à cinquante ou soixante-ans, contrairement à ses vingt-ans, une certaine « bohême »qui s'enveloppe sur la durée, d'une âcre odeur d'indigence, qui ne motive en rien la création, ne pouvant déboucher que sur du vide. Et c'est ainsi que s'est installé un vide sidéral dans la planète « théâtre », en attendant que les choses se décantent. Comme disait Guitry : « Quand on est malheureux, on ne fait le bonheur de personne ». Alors, demander à des artistes de faire leur métier d'artistes, quand ils en sont encore à batailler pour le quotidien, en exigeant d'eux qu'ils fassent abstraction de tout pour ne penser qu'à l'absolu de l'art, du quatrième des arts ici en l'occurrence, c'est se fourrer le doigt dans l'œil. Et jusqu'au coude…