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Etat, régions et développement
Publié dans Le Temps le 20 - 03 - 2011

Par Slim SGHAIER - Le développement régional est un sujet récurrent en Tunisie depuis la fin des années soixante. Il est généralement évoqué pour aborder le déséquilibre du niveau de développement entre les régions du pays. La Révolution a remis le sujet, de nouveau, sur la table.
Le présent texte propose de faire la lumière sur des aspects singuliers de la pratique du développement en Tunisie, avec une présentation succincte des logiques qui soutiennent cette pratique et de leurs implications.
Ne sont pas abordés dans ce texte, ni les soubassements sociaux, ni les doctrines idéologiques, qui régissent le mode du développement, bien qu'ils méritent des analyses fines et des approfondissements.
Développement et neutralité de l'Etat
Quarante ans après, le problème demeure. Les approches et moyens adoptés n'ont pas apportés de solutions. Cet échec politique est à la fois l'aboutissement des politiques publiques d'accompagnement du développement socio-économique des régions, et le résultat du niveau médiocre de leur coordination pour la maîtrise des inégalités spatiales.
Il s'agit donc, d'un problème d'aménagement de territoire, à la fois en tant qu'action, et en tant que résultat de cette action[]. Les objectifs explicites de la politique du développement régional doivent logiquement signifier un développement équilibré du territoire. Leur interprétation sociologique étant « l'assurance à tous les ménages et à fortiori à toutes les régions, des niveaux de vie pas trop différents».
L'intervention de l'Etat dans le développement des régions s'opère essentiellement par le biais de la réalisation d'investissements publics et par le choix et la promotion d'axes de politiques de développement plus ou moins favorables aux différentes régions.
Les spécificités économiques et sociales des régions, les caractéristiques géographiques, font que les impacts de ces choix sur les différentes régions soient inégaux et que les effets soient différemment ressentis.
S'il y'a des régions dans le pays qui sont moins développées que d'autres c'est que les options de développement économiques engagées dans les années 70 étaient et demeurent peu favorables à ces régions. Décidées de manière centralisée elles conviennent faiblement avec les spécificités de certaines régions.
L'écart dans le développement régional s'explique alors par le choix d'axes de développement défavorables à des régions qui se trouvent littéralement « défavorisées » d'une part, et par le déficit d'investissements publics dans ces dernières, une seconde fois défavorisées, d'autre part.
Le choix et la promotion du tourisme, et de l'export n'ont pas le même effet à Monastir qu'au Kef. Aussi les montants investis par l'Etat dans les deux régions ne sont pas du même ordre de grandeur. Des comparaisons relatives à la promotion de la sous-traitance, des IDE, ou la politique de valorisation de produits agricoles aboutissent à des constats similaires.
Vue des régions, la politique économique de l'Etat n'est pas neutre
Adopter de manière centralisée et quasi-uniforme une politique sectorielle de développement c'est nécessairement avantager des régions aux dépens d'autres ; et c'est aussi orienter les nouveaux investissements de l'Etat dans les régions déjà bénéficiaires. C'est l'état national post indépendance qui organise les inégalités régionales. Par sa pratique du développement, l'Etat national est régionaliste.
Régions de l'intérieur, régions de l'extérieur
La version officielle de la politique économique consiste à générer de la croissance économique tirée par l'export, par le tourisme, et par les IDE. Le développement serait naturellement induit de la croissance
Les vecteurs de croissance sus cités ont l'essentiel de leurs clientèles et de leurs partenaires économiques à l'étranger. Leurs intérêts sont davantage liés aux marchés mondiaux. Plus soucieux des conditions internationales que de la conjoncture locale. La situation socio économique tunisienne n'affecte pas leurs intérêts. Au contraire une crise de l'économie tunisienne peut leur être opportune.
Il s'agit d'une économie structurellement extravertie, davantage à l'écoute des exigences des marchés et des investisseurs étrangers. C'est le positionnement classique d'une économie périphérique, qui privilégie les échanges avec son centre en Europe. Ce choix économique avantage naturellement les régions ou l'échange économique avec l'extérieur est plus aisé. Il avantage les régions les plus proches des marchés, celles qui ont le plus de liens et de voies de communications: Les régions de « l'extérieur ».
Sous couvert du noble prétexte de la consolidation des secteurs « prioritaires », la politique économique se traduit dans les faits par la mobilisation de l'essentiel des ressources du pays pour favoriser le développement des régions de « l'extérieur ». Les moyens de l'Etat ainsi que les ressources humaines, naturelles, et matérielles du pays, y sont investies aux dépens du développement de l'arrière pays, les régions de « l'intérieur ».
Dans une économie profondément mue, par une forte prédominance de la requête de la croissance économique en se basant sur des activités géographiquement localisées, la tendance qui émerge alors, c'est l'exclusion des régions dont les apports attendus, au dogme de la croissance, ne sont pas jugés suffisants. Le développement des régions de l'intérieur est donc inutile.
Leurs requêtes au développement sont considérées non rentables, elles n'optimisent pas « l'effort à la croissance ». Leur développement est alors perçu, comme une charge qui freine. Leur développement est jugé nocif, il est à éviter.
Développement à deux vitesses
En effet, le chômage dans les régions de « l'intérieur » permet la constitution des réserves de mains d'œuvre précaires. La disponibilité de matières premières non transformées et à coûts administrés, soutient bien l'activité de projets de valorisation et de traitement situés dans les régions de « l'extérieur ». L'absence d'infrastructures dans les régions de « l'intérieur », constitue aussi un avantage comparatif pour capter les investissements locaux et étrangers et de les drainer aux régions de « l'extérieur ».
Main d'œuvre précaire, matière première a bas prix, et investissements publics et privés sont bien utiles pour soutenir la croissance. Le délaissement des régions de l'intérieur devient alors, un choix judicieux et intelligent qui sert et consolide la croissance.
C'est une logique qui génère une dynamique de développement régionalement discriminatoire. Il en résulte aussi simplement un grandissant déséquilibre spatial : un développement a deux vitesses. Une logique qui s'impose dont les résultats s'observe à œil nu.
La tentation est forte de prolonger le raisonnement. Ainsi la misère des « indigènes », la précarité des jeunes, la fragilité sociale, la pauvreté des agriculteurs, devient vitale pour la survie du système. Le non développement des régions de « l'intérieur » est objectivement recherché. Sa spoliation est encore mieux perçue
Quelque part, les bénéficiaires, les forces du capital et de la bureaucratie peuvent être logiquement tentés de sauvegarder les conditions objectives qui génèrent une croissance qui leur est spécifiquement favorable. Spécifiquement et uniquement. La contre révolution a une base sociale.
Domination socio-économique organisée
Jusqu'à ce jour, le développement est conçu et programmé par les administrations centrales. C'est l'appareil bureaucratique qui décide de ce qui est bon pour une région et de ce qu'il est moins bon. Bref il décide de l'avenir socio économique des régions et de leurs statuts de développement. De ces larges prérogatives résulte la répartition des activités économiques sur le territoire national. Les régions qui accaparent le pouvoir politique depuis l'indépendance, façonnent le système économique en leur faveur. Elles font infléchir les choix des axes de développement, et orienter les investissements publics de la manière qui les sert.
Résultat : Les régions de « l'intérieur » se trouvent confinées à l'exercice des activités économique du secteur primaire : activités agricoles et extraction des minerais et produits de carrière. Les régions de « l'extérieur » sont promues aux activités plus lucratives et mieux structurées de l'industrie et des services. Les activités agricoles de ces régions sont soutenues par un système de valorisation de produits qui leur est favorable.
Synthétiquement on est en face d'un modèle économique dichotomique. Une économie de prédation institutionnalisé qui s'applique aux régions de « l'intérieur », au bénéfice des régions de « l'extérieur ». L'activité de prédation se manifeste sous différents aspects : l'adduction des « eaux du nord , la valorisation discriminatoire des produits agricoles, défavorables aux producteurs de blé et de lait et favorables à la filière de l'oléiculture. Les transferts du liége, du marbre, bois, phosphate, dattes, et du sel, pour être transformés dans les régions favorisées. Les localisations des zones industrielles ou touristiques, les infrastructures de transport, les emplacements des CHU, des facultés médicinales, et des écoles d'ingénieurs etc.
En fait, on est en présence d'un cas classique de domination spatiale du type socio-économique, le transfert de richesses est son enjeu. L'espace dominant tire sa prospérité du pillage, de l'exploitation et des transformations des ressources de l'espace dominé. Une économie du type coloniale.
La «légitimation» de ce rapport de domination tient à des choix « nationaux », de politiques économiques élaborées par des politiques à relents fortement régionalistes. Choix mis en place par Hédi Nouira et Mansour Moalla, aggravées par Mohamed Mzali, puis radicalisés par Hamed Karoui , poursuivies par Mohammed Ghannouchi et son équipe économique.
La certitude qui se dégage, et que le souci d'un équilibre spatial n'est pas toujours présent et encore moins pressant dans la pratique gouvernementale du développement. D'autres considérations -aussi nobles soient elles- l'emportent souvent. La planification du développement, et les structures effectives qui la produisent, sont difficilement discernables.
L'œuvre du développement n'est pas transparente.
On n'est pas loin de penser que ces choix ont été sciemment imposés par l'Etat pour leur efficacité dans le processus de transfert de richesses : Spolier au plus possible, les régions de « l'intérieur » et développer aux mieux les régions de « l'extérieur ».
Pour un développement équitable
Rompre avec cette dynamique, nous conduit à rompre avec la centralisation du développement, à et réfléchir, sur les voies et moyens de produire et distribuer équitablement les efforts et les fruits.
Cet objectif peut être atteint, par l'établissement d'un plan d'aménagement de territoire. Son objectif est la répartition équilibrée entre les régions et les populations, des investissements publics, des activités économiques.
Cet aménagement de territoire, sera concrétisé par un panier d'axes d'activités économiques, adaptés aux particularités des régions d'une part, et par la programmation d'investissements publics dans les domaines, administratif, social, et économique. Investissements cohérents avec les activités à envisager dans ces régions.
La faisabilité et la réussite de cette approche nécessitent l'accomplissement de deux prés requis constitutionnels relatif à la relation Etat- régions. Il s'agit de la reconnaissance de la région en tant qu'espace géographique et entité économique, et de la démocratisation de sa gestion et de sa gouvernance politique.
Cette nouvelle redistribution nécessite aussi la révision des choix des axes de développement, ne serait-ce que pour adopter de nouveaux axes convenant aux régions « défavorisées » et qui sont manifestement inexistants actuellement.
Il est primordial de rapprocher cette exigence avec une autre : Opérer une mutation de l'activité économique à des positionnements dans l'échelle de valeur des activités économique pour générer davantage de valeurs ajoutées.
Les bas salaires ne peuvent constituer l'unique facteur de compétitivité d'une économie moderne. L'intégration de la connaissance et du savoir dans les processus de production et création de richesse est inéluctable pour créer le bien-être et les emplois aux diplômés et aux non diplômés.
De la réalisation de cette double exigence découlera et le développement et son caractère équitable.


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