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L'urgence d'une réflexion collective sur le développement et l'aménagement du territoire tunisien
Opinions


Par Habib DALA*
Acte spontané issu d'un suicide par auto-immolation, l'insurrection du Centre-Ouest tunisien, précédée en 2008 par les événements du bassin phosphatier de Gafsa, est un authentique mouvement social révolutionnaire engagé contre le chômage et la corruption et débouchant sur une volonté de changement radical du paysage politique et des institutions.
Après la chute d'un régime de nature mafieuse, pratiquant un népotisme sans scrupules donnant lieu à des abus d'influence et d'autorité aggravés par une bureaucratie complice corrompue, la révolution tunisienne pour la dignité et la liberté n'a pas fini, à ce jour, de nous interpeller sur un double enjeu :
– Celui d'un combat social pour l'emploi et la dignité, combat initié par des jeunes diplômés convertis en cyber-militants et conforté par des couches sociales déshéritées vouées à la précarité sociale et à l'informalité économique sévissant dans les régions intérieures déprimées.
– Et celui d'un combat politique, mené par des couches médianes et bourgeoises longtemps neutralisées et peuplant les hauts lieux de la littoralité tunisienne.
Mais si le deuxième débat a aujourd'hui les faveurs des partis politiques, de la société civile, des élites et des médias, le second ne semble pas avoir suscité d'émotion et de débats à la mesure du sacrifice de Bouazizi. Le flot de revendications socio-professionnelles et l'organisation de fret de retour à la caravane de la liberté ont contribué à détourner l'attention des processus de marginalisation et d'exclusion territoriales aggravés par l'effet grandissant du chômage.
D'abord l'ébauche d'un diagnostic territorial
Sous-tendue par une plus grande concentration des richesses et des flux les plus divers dans un espace métropolisé par Tunis, la reconfiguration du territoire national opérée dans le contexte d'ouverture à l'économie mondiale a produit une contraction de l'espace économique dynamique. De ce fait, une dualisation prononcée du territoire opposant un secteur limité du littoral au reste du pays s'est substituée progressivement au déséquilibre littoral-intérieur. En effet, l'espace économique ouvert et dynamique obtenu se réduit désormais à un triangle à l'intérieur duquel Tunis a pu satelliser les petites et moyennes villes de la région du Nord-Est organisées en bassins d'emploi. Ce triangle tend à englober autour d'une «rangée interfaciale»(1), complétée par les nouvelles infrastructures d'Enfidha et les projets de stations touristiques de Selloum et de Hergla, les villes du Sahel satellisées à leur tour par Sousse et jouant pareillement le rôle de bassins d'emploi. Ainsi recomposé, l'ensemble du Nord-Est et du Sahel a accaparé respectivement 89% et 90% du nombre d'entreprises exportatrices et des effectifs salariés (dans le textile, et de plus en plus dans l'électromécanique et la chimie).
En dehors de cet ensemble territorial, la réalité est plutôt désastreuse car il ne s'y passe rien d'important. Aucun grand projet n'y est prévu ou réalisé. Le reste du territoire rassemble des régions déprimées, en général plus ou moins steppiques à semi-désertiques, vivant de maigres ressources oasiennes ou d'arboriculture sèche, de cultures d'orge et de blé et d'élevage. En l'absence d'une véritable alternative économique, ses populations villageoises et urbaines sont soumises à une logique de survie et tirent quelques revenus des circuits informels en expansion continue. L'absence de perspectives économiques et sociales, amplifiée par le chômage des jeunes diplômés, a généré une insurrection pour la dignité par l'emploi dans les petites et moyennes villes du Centre-Ouest où le taux de chômage est une fois et demie à deux fois supérieur au taux national.
Ainsi, on comprend mieux l'urgence d'une réflexion collective sur la question territoriale et sur les choix les plus adaptés au développement et à l'aménagement du territoire à l'aune de la Révolution pour la dignité et la liberté.
Ensuite une matière à réflexion : la question territoriale
La préoccupation commune à tous, partis politiques, société civile et médias se résume aujourd'hui à la transition démocratique et aux modalités permettant de la réussir. Le débat sur l'économique et le social est vaguement amorcé ou simplement éludé. Résorption du chômage des diplômés, régularisation des emplois précaires, lutte contre la corruption, renforcement du secteur public et du rôle de l'Etat, nationalisation des secteurs stratégiques, amélioration des infrastructures et encouragement à la création de PME/PMI dans les régions défavorisées, réforme fiscale, meilleure répartition des richesses, révision du code des investissements, arrêt à moyen terme du remboursement de la dette extérieure, sont autant de principes évoqués furtivement par les différentes sensibilités politiques du pays.
Pourtant la question économique est d'une actualité brûlante. Plusieurs raisons semblent le souligner : le rythme de croissance annoncé est proche de zéro: les revendications socioprofessionnelles suppriment des emplois, au lieu d'en créer, la montée des activités informelles oppose toutes sortes de travers à la bonne marche des activités légales et la sauvegarde des emplois existants, des estimations sommaires laissent prévoir une inquiétante recrudescence du chômage, les recettes de l'Etat et le climat social ne sont pas à leur meilleur niveau. Dans ce contexte, les différents acteurs qui se réclament de la transition démocratique sont appelés à s'inscrire dans des logiques économiques adaptées au contexte et à engager le débat qui convient d'abord pour un redressement immédiat de l'économie et ensuite pour asseoir et affiner, patiemment, leur programme électoral et préparer d'éventuelles alliances politiques.
Compte tenu du diagnostic précédemment évoqué, deux trajectoires économiques semblent être déjà tracées :
1. Dans un contexte général marqué par l'affaiblissement de l'Etat-Providence et par la montée du libéralisme soutenue par les instances internationales sur fond de mondialisation, la Tunisie ne peut s'autoriser de revenir sur son ouverture au monde et sur l'arrimage de son économie à l'économie-monde. Il lui sera difficile de sacrifier ce qui représente depuis le début des années soixante dix l'un des principaux leviers de sa croissance et les espaces littoraux les plus performants qui l'ont soutenue. La Tunisie devrait normalement continuer à tirer avantage de son insertion dans l'économie mondiale et des opportunités qu'offre un «near shore» euro-méditerranéen très prometteur. En même temps, l'atténuation des décalages régionaux qui traduisent les processus de dualisation du territoire passerait par un traitement différentiel des régions déprimées pour une plus grande justice socio-spatiale. Dans cette optique, il s'agira de placer l'homme (ses besoins, ses droits et ses aspirations) au cœur de toutes les ambitions de développement et de justice (services de santé, formation, création d'emplois, participation politique) et de focaliser les choix stratégiques sur les atouts et les opportunités plutôt que sur les handicaps des régions attardées.
En somme, l'adhésion au processus révolutionnaire ne devrait pas conduire à des anachronismes idéologiques stériles ou à des replis identitaires et régionalistes primaires induisant enfermement et sclérose. Dans cette logique, le territoire ne devrait plus être seulement considéré comme un support à l'ouverture mais aussi l'objet d'une action volontaire de développement endogène équitable.
2- C'est le déficit démocratique qui crée les mauvais génies et favorise la dictature. C'est précisément cela qu'une nébuleuse de jeunes cyber-militants bourrés de talents et rôdés à la communication numérique a cherché à combattre. C'est pour cela que l'adhésion au processus révolutionnaire devrait inviter à promouvoir le paradigme démocratique dans sa triple dimension : lié à une maturité politique avérée et à une ouverture grandissante aux valeurs universelles, ce paradigme devrait articuler cyberdémocratie participative solidement engagée par les jeunes cyber-activistes, démocratie élective que le nouveau Code électoral et la nouvelle Constitution instaureront d'ici peu et démocratie gouvernancielle collaborative aidant à la mise en marche d'un développement territorialisé concerté et un aménagement du territoire rénové capable de réparer les déséquilibres territoriaux et de préparer les espaces régionaux déprimés à rattraper les retards et combler les déficits dénoncés à juste tire par la révolution.
En bref, la question territoriale ne devrait pas être ramenée à un mode de régulation d'un développement économique ouvert à l'économie mondiale. Elle devrait représenter un choix stratégique répondant aux aspirations légitimes des populations de toutes les régions. La conception et la mise en œuvre des programmes et des projets devraient refléter le passage d'un mode de gouvernement hiérarchique à un mode de gouvernance participative pour la production d'effets sociaux et la garantie de l'égalité des chances entre citoyens et entre entités territoriales.
Enfin quelques suggestions
L'épaisseur de la question territoriale nous presse de choisir. Au stade transitoire du changement démocratique, le problème n'est pas de savoir qui l'a fait et qui ne l'a pas fait. Il serait injuste de reprocher aux différents acteurs et sensibilités politiques, longtemps réprimés, parfois instrumentalisés, en tout cas pris de court par les événements, de n'avoir pas arrêté leur choix de programme. En attendant d'y remédier, il convient d'en prendre acte et de tenter, avec le concours des spécialistes du développement et de l'aménagement du territoire, d'y réfléchir et d'apporter des réponses aux interrogations que la question territoriale soulève.
De cette brève incursion dans la question territoriale, je ne songe pas à proposer un discours, un projet ou un programme d'action. Au temps de la Tunisie démocratique, je me contenterais, après avoir essayé de recontextualiser un débat ancien, d'y participer par les suggestions suivantes:
1- Définir, au plus tôt, les modalités d'une représentation régionale efficiente au sein des instances nationales élues :
2- Passer d'une politique compensatoire en faveur des régions et zones déprimées à la définition d'un contenu régional approprié au sein d'unités territoriales pertinentes d'intervention qu'on aura délimitées de manière consensuelle en vue d'améliorer la compétitivité et le vécu quotidien de toutes les régions (2).
3. Créer des outils (d'expert) pour aider les régions à l'anticipation et à la prospective régionales.
4. Fixer des objectifs de résultat pour les régions et élaborer des indicateurs significatifs pour mesurer les niveaux de réalisation et les bénéfices associés aux objectifs de résultat.
5. Procéder à un nouveau découpage du territoire en vue de créer des régions-programmes ou régions-plans à structure intergouvernorale dirigées par des conseils élus et mobiliser et coordonner les outils financiers qui leur seront dédiés.
6. Définir localement les zones d'action prioritaires et arrêter les mesures d'urgence dont elles doivent bénéficier.
7. Instaurer une authentique gouvernance collective négociée au niveau local et régional et prévoir des formes contractuelles («contrat de région»), engageant, aux côtés de l'Etat, tous les acteurs publics et privés locaux, régionaux et nationaux impliqués dans les grands projets collaboratifs de développement, d'équipement et d'aménagement du territoire et créer des synergies entre PME régionales susceptibles d'avoir des retombées significatives sur l'emploi régional.
8. Elaborer une loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire définis comme une politique d'intérêt général fondée sur les objectifs suivants :
- La consolidation de l'unité nationale et le développement de chaînes de solidarité sociospatiales.
- La préparation des régions et des positions les plus dynamiques à capter les flux internationaux et à participer à la compétition mondiale.
- La lutte contre les inégalités générées par la localisation géographique en respectant le principe de l'égalité des chances et d'accès aux services publics collectifs.
- L'incitation du secteur soumis au droit privé à concourir au développement du territoire et à atténuer l'effet des handicaps territoriaux.
- La préservation des ressources naturelles et du patrimoine historique par la lutte contre le gaspillage, par la protection de l'environnement et par la sauvegarde et l'animation des sites archéologiques.
Pour ne pas compromettre la capacité des générations futures de répondre à leurs propres besoins («principe d'intergénérationnalité»), l'optimisation économique devrait prendre en compte le rythme de reconstitution des ressources renouvelables, les perspectives de substitution du renouvelable à l'épuisable et les capacités d'auto-épuration et de régénération des milieux.
Il faut tout de même le rappeler encore une fois, les contraintes qui pèsent aujourd'hui sur les finances publiques n'autorisent au gouvernement transitoire que de prendre des mesures d'apaisement social et de relance économique. Le débat qui est préconisé ici, à la charnière de la transition démocratique, devrait permettre d'affiner les programmes des forces politiques qui s'engageront dans la compétition électorale immédiatement après la définition et l'instauration du nouveau cadre constitutionnel.
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(1) Il s'agit d'un «entre deux» plus ou moins épais, doté de fonctions d'interface permettant d'articuler sur l'économie mondiale un arrière-pays formé de bassins d'emploi
(2) Une politique de discrimination territoriale peut être ressentie par les non-bénéficiaires comme une injustice massive intolérable


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