Lorsque Fassbinder prenait sa caméra pour la placer face à un personnage, il s'arrangeait toujours pour que la scène, le face-à face, soit filmé frontalement ; de façon à ce qu'il n'y ait aucune ligne de fuite, aucune possibilité de détourner l'attention du spectateur éventuel, cinéphile collé à son fauteuil dans le noir, pris dans l'hypnose de ce regard qui happe le sien, un peu comme une abeille contre une vitre qui n'a d'autre choix que d'accepter de voir enfin sa vérité en face. Quitte à ce que cela se passe dans la douleur. Pour aborder un sujet, encore et toujours tabou, à savoir l'infection VIH, suite à une initiative de l'ONFP, Taoufik Jebali a entrepris un travail de recherche, en profondeur, pour mieux se familiariser avec tout ce qui touche, de près ou de loin à cette maladie, y compris au niveau des recherches médicamenteuses, à l'échelle mondiale, mais aussi et surtout, sur son impact, forcément brutal, sur les êtres humains, et sur ce qu'il en découle : à savoir une souffrance inouïe, qu'aucun mot ne saurait traduire véritablement, tant il est difficile d'établir une empathie en la matière, qui puisse donner la pleine mesure de ce que peut ressentir un être, atteint du sida. Comment transposer cela au théâtre, comment l'adapter, tant au niveau dramatique que scénographique, afin de porter au mieux, les messages de lutte contre le VIH, en prenant en compte les tabous sociaux, ainsi que leurs différentes connexions ? Voilà la tâche qui a incombé à Taoufik Jebali, lequel a conçu et mis en scène la pièce : « Danse avec le singe », avec Nawfel Azara. Sur le mode dramatique, n'hésitant pas à s'emparer de l'essentiel avec des tenailles de feu, le texte (ou les textes) ayant été travaillés de concert, avec les élèves d'El Teatro Studio, sont une manière de pointer du doigt, un peu comme dans un miroir fragmenté, des vérités qui sont, paradoxalement, toujours bonnes à dire, parce que trop de silence tue. « Danse avec le singe », dernière création de Taoufik Jebali : les 25 et 26 mars (à 19h30) à El Teatro.