Le limogeage de M. Farhat Rajhi, le seul ministre à bénéficier d'une certaine popularité est intervenu le jour de la perte du RCD de son procès, procès qui était intenté par ce dernier. Simple coïncidence ou sanction ? Tout porte à croire que cette initiative de sa part a déplu à certaines parties au pouvoir dont le Premier ministre. Force est donc de pencher pour la deuxième hypothèse d'autant plus que le chef du gouvernement provisoire n'a pas motivé sa décision. Le nouveau nommé nous fait revenir à la mémoire le climat qui a régné pendant le gouvernement Ghannouchi et le sit-in de La Kasbah 1'exigeant le départ des ministres rcédistes. Il était un haut responsable dans le régime déchu, et parmi les postes qu'il a occupés, il y avait celui de chef de cabinet Ali Chaouch, ministre de l'Intérieur avec Ben Ali.
Sens dessus-dessous
Lors du journal télévisé de 20 heures du lundi tant attendu par le public, ce remaniement ministériel était l'information principale. Mais cette attente n'était pas satisfaite, puisqu'on s'est contenté de donner le communiqué officiel et de présenter les CV du ministre limogé et du ministre nommé. On s'attendait à ce qu'il y ait un invité pour analyser l'événement faute d'explication de la décision par les autorités concernées. Au lieu de cela, on est passé à d'autres informations: l'arrestation à l'aéroport de TunisCarthage de bandes de malfaiteurs qui étaient sur le point de passer des capitaux et des lingots en or et l'attaque d'une banque au Lac. Entre ces deux faits divers, on a contacté par téléphone le porte-parole du ministère de l'Intérieur pour lui demander des explications, mais il était aussi avare que ses supérieurs d'arguments et l'énigme n'a pas été déchiffrée.
Echappatoire
Faire suivre la décision du limogeage par des actes criminels n'est pas gratuit. C'était une incrimination de l'ancien ministre, le message insinué c'est qu'il n'était pas à la hauteur de la tâche qui lui a été confiée: assurer la sécurité des citoyens et la sûreté de l'Etat. Il était clair que par ce biais on a voulu expliquer pourquoi on l'a démis de ses fonctions. L'autre lecture que l'on serait tenté de faire de cet enchaînement d'informations a trait à l'intention camouflée de détourner l'attention de l'opinion publique de l'essentiel et la focaliser sur des faits secondaires. Décidément, notre chaîne publique qu'on appelle abusivement nationale éprouve des difficultés énormes à s'acclimater avec la nouvelle réalité, elle conserve ses anciennes pratiques: la désinformation est toujours sa devise, elle refuse encore de respecter l'intelligence du peuple qui a réalisé l'une des plus belles des révolutions et qui a prouvé par là sa maturité et sa majorité. On fait venir des analystes sur le plateau pour des faits divers et on s'en passe quand il est question d'un événement politique majeur, on n'en voit pas l'utilité, parce que tout simplement c'est un comportement prémédité.
Nouvelle publicité
Les différentes chaînes tunisiennes n'ont changé ni au niveau de la forme, étant donné qu'elles fonctionnent toujours avec les mêmes figures, ni sur le plan du fond, puisqu'elles désinforment beaucoup plus qu'elles n'informent. L'une des manifestations de cette désinformation est la programmation: à longueur de journée, on diffuse des dessins animés, des feuilletons, des films et des documentaires qui sont entrecoupés par des séquences devenues emblématiques sur la Révolution et qui fonctionnent comme des spots publicitaires. Le soir, les infos et un débat. Un changement de décor, de discours et de programmes serait très souhaitable surtout en ce moment crucial où le rôle des médias est déterminant en matière de culture politique des masses pour que nous ayons de vraies élections démocratiques.