«Des responsables nous ont affirmé que lors des événements, Ben Ali a ordonné de bombarder le quartier Ezzouhour de Kasserine. Mais nous avons refusé », a révélé Me Taoufik Bouderbala, président de la Commission nationale d'investigation sur les dépassements et les violations enregistrés durant la Révolution lors d'une conférence de presse tenue hier, au siège de la Commission, à Tunis. « Nous avons effectué des tournées du 14 au 28 mars dans les gouvernorats de Sidi Bouzid et de Kasserine. Nous avons constaté qu'il y a eu une volonté délibérée de tuer, comme s'ils tiraient sur des lapins. Les tireurs d'élite de la police se plaçaient à 100m ou à 50 mètres des manifestants et visaient la tête, le cœur ou la poitrine. Les crimes étaient réellement organisés. Parmi ces tireurs d'élite ou ce qu'on appelle des « snipers » (kannassa), il y a une femme. Nous avons les noms et la justice suit son cours. La commission recueille les témoignages et constitue des dossiers qui une fois complétés elle les transférera aux juges d'instruction qui se chargent des affaires et des éventuelles inculpations une fois les preuves établies. Il y a de la lenteur, c'est parce que le juge d'instruction est seul à instruire les affaires car il ne peut pas dans ces cas charger la police judiciaire d'enquêter car si on ose dire elle y est impliquée», a souligné Me Bouderbala.
Vengeance
Evoquant la situation dans ces régions visitées le président de la Commission a affirmé que « ce sont des régions délaissées et la situation y est alarmante sur le plan social et économique. Elle est même explosive ce qui nécessite des mesures urgentes. Il faut constituer des cellules de crise pour venir en aide aux familles sinistrées. Je lance en ce sens, un appel aux composantes de la société civile. La commission est intervenue à plusieurs reprises pour faciliter les soins pour les blessés qui n'ont pas les moyens pour se faire soigner. Le ministère de la Santé a répondu favorablement à nos interventions. D'un autre côté, nous avons constaté lors des visites auprès des blessés que certains d'entre eux n'ont pas porté plainte. Ils ne connaissent pas leurs droits. Nous avons contacté à cet effet des avocats qui vont se charger de ces affaires gratuitement. Enfin, nous avons constaté que les citoyens notamment les familles des martyrs attendent avec impatience le jugement des criminels. Ils crient vengeance». Néjib SASSI
Chiffres
« En ce qui concerne le nombre des martyrs, Me Bouderbala a indiqué « qu'à Sidi Bouzid, il y a eu 4 martyrs, à Menzel Bouzaïane 1, à Maknassi 1, à Rgab 6, à Kasserine 23, à Thala 6, à Feriana 1, à Majel Belaâbbès 1 et à Foussana 2. Les blessés sont au nombre de 111 et on continue d'enquêter. La commission a commencé son investigation le 2 mars 2011, nous avons constitué 979 dossiers sur 106 martyrs, 672 blessés et 201 sur les dommages subis. Nos investigations continuent, nous allons faire des tournées dans toutes les régions pour arriver à savoir « qui a tué qui ? ». Nous allons entendre Seriati et Belhaj Kacem et d'autres suspects. Nous avons rendu des visites au ministère de l'Intérieur et celui de la Défense, aux tribunaux et au tribunal militaire. Nous allons enquêté sur tous les cas de violence pendant ces évènements. Les prérogatives de la commission le permettent ». N.S