La question religieuse passionne les Tunisiens (les Tunisiennes, aussi) et elle suscite, surtout, un débat passionné. La question essentielle se présente en ces termes : doit-on avoir peur d'Ennahdha ? Et là, il y a deux camps : les maximalistes qui attisent les appréhensions et les minimalistes qui affirment qu'il n'y a pas le feu. Il est vrai que le mouvement Ennahdha fera tout pour ne pas perdre le premier grand examen à l'épreuve de la démocratie. Comme l'affirment ses responsables, son idéologie identitaire arabo-musulmane est, justement, taillée pour. Ils rejettent toute présomption de radicalisme religieux et sont tout disposés à se plier à la loi des urnes. Ce qui veut dire, par ricochet, qu'il n'est guère dans leurs stratégies ou dans leurs scenarii de reproduire un scénario à la « FIS algérien »… Pourquoi les Tunisiens nourrissent-ils des appréhensions, donc ? Il y a ce qu'on appelle « syndrome ». La montée, partout, de l'islamophobie en Europe, et en Amérique – qui nous mentaient et brandissaient la menace intégriste pour légitimer Ben Ali ! - a quelque part exercé une espèce de conditionnement, au point que la religion n'est plus perçue que dans l'exégèse de la Chariaâ, tandis que la laïcité va verser dans le sens opposé, allant jusqu'au libertinage. Une espèce de schizophrénie entretenue par un discours officiel ambivalent avec l'instrumentalisation du « concept d'un Islam tolérant »… Un « Islam tolérant », justement, cheval de bataille d'un régime qui ne l'était pas ! Maintenant il est normal que, dans cette problématique équation démocratique à plusieurs inconnues, Ennahdha paraisse encore suspecte aux yeux des Tunisiens, malgré toutes les garanties avancées. Il est pareillement logique que, dans cette anarchique profusion de partis, les Tunisiens aient de moins en moins de visibilité. Or, l'inconnue majeure, à notre sens, ce n'est pas Ennahdha ; ce ne sont pas non plus les partis réels de l'opposition contre Ben Ali, qui finiront, sans doute, par faire alliance… L'inconnue c'est la surenchère… Elle est, peut-être, entre les mains de ceux qui vendront leurs voix au plus offrant. Et qui sont capables de s'allier à Dieu, sinon avec son Diable… Est-on sûr de tout savoir sur le jeu de toile des obscurs « dignitaires » rcédistes ?