Vaste programme basé sur la séparation des pouvoirs, la bonne gouvernance, une police dépolitisée et une justice qui doit redevenir aveugle « Un régime politique fondé sur la séparation des pouvoirs », avec, pour corollaire, et en préambule une « Déclaration des droits et des libertés ». Au fond, les axes et les grandes orientations du PDP, telles que réaffirmés par Maya Jeribi et surtout, par Néjib Chebbi, lors du grand meeting de vendredi après-midi, relèvent des constantes et des exigences que n'avait cessé de défendre le Parti dont personne ne remettra en cause l'irréductible opposition à l'ancien régime. L'action est fondée, en effet, sur ce principe de séparation des pouvoirs, principe dont procèdent toutes les articulations, tous les poids et tous les contre-poids étayés par Montesquieu. C'est même d'une évidence incontournable. Cela paraît simple aux yeux de ceux qui étudient le système. Mais cela se complique lorsqu'on est dans le système. Car, justement, paraphrasant Montesquieu, Néjib Chebbi rappelle que la confusion des pouvoirs engendre la personnalisation du pouvoir et c'est ce que nous aurons eu durant 50 ans, c'est-à-dire depuis l'indépendance. « Le pouvoir c'est moi ». « L'Etat c'est moi », aurait dit Louis XIV. Pire : « Il y a moi et mon costard : l'Etat ». On a eu cela en effet, depuis la naissance du « Nouvel Etat tunisien ». Et cette personnalisation, doublée de népotisme et de spoliation des deniers publics et des biens du peuple en fut, l'extrême, l'immonde représentation. Néjib Chebbi, Maya Jeribi et le PDP en ont toujours fait leur cheval de bataille… A priori, le pouvoir absolu, tel que décrié par le leader du PDP lui-même, est une tentation récurrente dans les régimes présidentiels. Montesquieu ne parlait pas encore de régimes présidentiel ou parlementaire, mais il faisait remarquer que « tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser et (par la simple disposition des choses) le pouvoir doit arrêter le pouvoir ». Vocation « américanisante » A ce propos, Néjib Chebbi parle de garde-fous tout en réaffirmant sa préférence pour un régime présidentiel. Là, il ne cache pas une vocation « américanisante », dès lors que d'un revers de main, il « rase » le régime parlementaire (trop européen à son goût même s'il ne le dit pas) et, on le sait, régénérateur d'instabilité chronique gouvernementale. Il cite le mauvais exemple : l'Italie, quoique l'Italie trouve sa stabilité précisément dans ces instabilités répétitives. Et toujours dans cette vision « américanisée » des choses, le leader du PDP n'a pas manqué de saluer le geste d'Obama. Et c'est logique ! Il n'empêche : sans vraiment faire dans le négativisme, l'orateur met en avant les préoccupations immédiates du pays. A savoir le rétablissement de la sécurité et cela passe à ses yeux par la dépolitisation de la police tout en réaffirmant la nécessité d'un recentrage des services de renseignements et il fait bien de rappeler que les RG doivent fonctionner, qu'aucun pays ne peut vivre sans, même si, avec parcimonie, il évite de prononcer la formule satanique : « police politique ». Mais, il prend soin de préciser que les services de renseignements ont eux-mêmes besoin d'une espèce de rééducation sociale et culturelle : c'est-à-dire, en d'autres termes, cesser d'épier les Tunisiens dans le sens vulgaire et sociétal du terme. Remédier à la stérilisation de l'enseignement La sécurité, certes. Mais, le social surtout. A commencer par l'enseignement – dont la généralisation reste un acquis - mais qui génère, selon Néjib Chebbi, 150 mille chômeurs diplômés du supérieur. Et là, tout s'imbrique : Néjib Chebbi fait un constat macro-économique assez bien motivé et propose des recettes. A savoir les PME et PMI pour résorber le chômage et stimuler l'appareil productif ; un dinar moins déprécié pour sauvegarder le pouvoir d'achat. Ce sont des vérités économiques. Ce furent même là des recettes inévitables pompeusement exposées dans les discours avant le 14 janvier. Sauf que le leader du PDP précise bien que ces « exposés » n'étaient qu'une berceuse sociale. Bon, ce n'est là qu'une sommaire synthèse d'un programme « vaste » tel que qualifié par Néjib Chebbi et dont la dynamo sera la bonne gouvernance. Bonne gouvernance en tout, en somme, pour redonner leur crédibilité aux institutions, dans une société égalitaire et pluraliste. Et là, l'avocat qu'il est rappelle une vérité bafouée : l'indépendance de la justice. Une justice gangrenée qui avait cessé d'être aveugle pour recouvrer la vue maléfique, durant 23 ans, sinon un demi siècle de corruption et de passe-droits.