« Le Havre » du réalisateur finlandais Aki Kaurismaki était donné grand favori pour la Palme d'Or. Hélas, il n'a pas eu l'aval vraisemblablement du jury de Robert De Niro. N'empêche que c'est un film formidable dont le sujet s'inscrit au centre de l'actualité ; la clandestinité et la vieillesse. Le Havre, un port en France, est reconstitué dans un genre typique au cinéaste, autrement dit, des années 50. Un style vieillot qui est la marque de fabrique de Kaurismaki. C'est l'histoire de Marcel, un cireur de chaussures, une profession qui se fait de plus en plus rare dont l'épouse tombe gravement malade, ce qui nécessite son hospitalisation. Durant le séjour de sa femme à l'hôpital, le cireur de chaussures recueille chez lui un adolescent gabonais sans papiers, arrivé au Havre dans un container avec d'autres Africains. Tous se font arrêter sauf le gamin, qui arrive à s'échapper à la vigilance des policiers. Marcel Marx décide de l'aider à retrouver sa mère en Grande-Bretagne en organisant un concert pour réunir l'argent qui permettra à l'enfant de partir en voyage. « Le Havre » est un film complètement décalé, qui donne l'air de surgir d'une autre époque. Un conte social à l'humour pétillant mettant en scène une variété de couleurs contrastées et un jeu d'acteurs très stylisé, façon ancien cinéma. Le film ne manque pas de critique à l'égard d'une société européenne très conventionnelle, toujours inquiète sur son devenir, et frileuse sur la question de l'intégration des étrangers. D'ailleurs, la présence de la police en la personne du commissaire Monet, Jean-Pierre Darroussin, atteste de cette frilosité. Kaurismaki évoque aussi cette Europe vieillissante et malade représentée par l'épouse souffrante, restée sur ses gardes, conservatrice et raciste. C'est tout cela que le film montre avec simplicité et finesse. A la fois tendre et ironique, le film permet aux personnages de se racheter en réparant leurs fautes, d'être plus humains et donc, plus tendres à l'égard des autres. Ce discours d'ouverture que prône « Le Havre » a marqué les festivaliers qui l'ont porté aux nues. Le monde que propose Kaurismaki est un monde nostalgique parfois mélancolique. Cela tient de sa manière de faire du cinéma liée aux origines de cet art. Dans des décors sobres et désuets, la recherche de plans fixes est la plus privilégiée avec quelques panoramiques qui donnent du sens à des situations dominées par l'absurdité de l'existence. Les références au cinéma hollywoodien ne manquent pas et notamment la parenté avec le cinéma muet, en particulier de Charles Chaplin. Une scène dramatique est sauvée par l'humour. La musique est là pour décrisper l'ambiance et prêter main forte au jeune clandestin. C'est Little Bob, la légende du rock havrais que Kaurismaki est allé chercher pour chanter contre la fatalité et la désespérance à la gloire de tous ceux qui sans abri, sans domicile fixe, loin de chez eux, aspirent à un monde meilleur.