Almodovar a déçu, Hong Sang Soo est toujours aussi alcoolisé, Von Trier a dérapé, on peut désormais quitter cette session de Cannes sans regrets. Aujourd'hui c'est la Tunisie qui est à l'honneur, on attend impatiemment, robes de soirée et nœuds papillon en hommage à notre révolution. Ainsi va la vie sur la Croisette où le soleil est de plus en plus insolent, les filles de plus en plus inaccessibles, perchées qu'elles sont sur leurs hauts talons. C'est en contreplongée que les femmes se donnent à voir cette année. Mine de rien nous sommes en train de vivre la prise du pouvoir de la gent féminine sur l'humanité. A moins de deux mètres, impossible de croiser un regard, il faut aller le chercher, au maximum on a droit au décolleté et encore pour ceux de un mètre quatre- vingt, pour le reste de l'humanité, il faudra attendre patiemment la fin des talons aiguilles ou compensés pour espérer décrocher un sourire ou la lune. Retour au cinéma, le vrai celui-là, il y en aura eu très peu cette année, indigence de la production ou choix erronés on ne le saura jamais, difficile de comprendre ce que vient faire un petit film d'action réalisé par un cinéaste danois aux Etats-Unis dans la compétition officielle, encore moins les tenants et les aboutissants de la sélection de la quinzaine, ni le naufrage des cinéastes passés par Cinéfondation. De mauvais films il y en aura toujours, mais ce qui est plus grave c'est que les grands sont très petits cette année, à l'exception de Moretti, Kaurismaki et Kawase, Malick soliloque, les frères Dardenne font du Dardenne, Almodovar est essoufflé, Gus Van Sant semble étranger à son dernier film. On ne sait plus à quel saint se vouer. Quelques lueurs d'espoir dans ce paysage désolé, avec pour le cinéma arabe, le baptême d'une future grande cinéaste, la marocaine Leila Kilani, déjà documentariste confirmée, dont la première fiction « Sur la planche », hyperréaliste, présentée à la quinzaine, est animée d'une énergie et d'une rage de filmer rarement vues dans le cinéma arabe. On reparlera très probablement de cette course folle pour la vie, contre l'entropie de ces quatre filles dans un Tanger pluvieux et gris. Les pronostics vont bon train : Kaurismaki est bien placé, même si notre cœur bat pour Kawase. Le Pater de Cavalier, cet objet filmique non identifié ( OFNI) mériterait lui la palme de l'originalité. Cavalier et son cinéma à la première personne, croque à pleine dents dans « Pater » le monde politique, en s'érigeant président putatif de la République Française et en se choisissant Vincent Lindon comme premier ministre et confident. Entre fiction, improvisation et documentaire « « Pater » voyage allègrement, avec des saillies d'humour et de dérision, revigorantes pour des spectateurs assommés de pensum et de mauvais cinéma. Pourquoi pas un prix de la mise en scène pour faire un pied de nez à la grandiloquence du cinéma de Malick.