Les banques désormais face à leurs responsabilités Les chèques sans provision ont été pour longtemps un problème de société. Des centaines de personnes se sont trouvées d'un jour au lendemain face au juge pour un délit qu'ils n'ont pas commis où qu'ils ont commis intentionnellement. Souvent des banques n'ont pas assumé leurs rôles pour défendre leurs clients ou même pour les aviser. Dans plusieurs cas les institutions bancaires agissaient machinalement avec des comptes et non pas avec des personnes. Bien des gens se sont retrouvés aux tribunaux pour non paiement de chèques d'un montant dérisoire ne dépassant même pas les 100 dinars. Pourquoi cette accumulation du nombre des affaires en justice alors que la régularisation était possible bien avant cela ? Aujourd'hui, la loi concernant les chèques sans provision a été amendée. Mais en pratique on se demande si les choses changeront vraiment.
Les banques désormais face à leurs responsabilités
Juges, avocats, experts comptables, notaires, banquiers et autres personnalités étaient présents samedi au séminaire national organisé par l'Institut supérieur de la magistrature et ayant pour thème : « les nouveautés en matière de chèque sans provision ». Le sujet est d'actualité puisqu'il concerne les aspects de la nouvelle loi du 5 juin courant qui modifie et complète certaines dispositions du code du commerce. A l'ouverture des travaux du séminaire, M Béchir Tekkari, ministre de la Justice et des Droits de l'homme a annoncé que les affaires concernant les chèques sans provision ont baissé compte tenu du développement du secteur bancaire et la parution des nouveaux modes de paiement. Cependant l'ampleur de ce type d'affaires reste importante à tous les niveaux : familial, économique et même juridique. Le ministre a souligné que l'utilisation du chèque en tant que garantie a provoqué l'institution de masses monétaires flottantes et l'établissement de relations financières fictives. A cet effet, la révision de la loi permet de diminuer les impacts négatifs en allégeant les peines tout en préservant la pénalisation du délit.
Vérification de l'existence de provision La nouvelle loi permet à toute personne recevant un chèque la possibilité de vérifier auprès du registre de la banque centrale s'il est l'objet d'une opposition à son paiement en raison du vol, de la perte du chèque ou des interdictions prises à l'encontre du tireur ou encore la clôture du compte tiré. Il est possible également de vérifier l'existence d'une provision suffisante tout en préservant les données personnelles du titulaire du compte.
Responsabiliser les banques Les institutions bancaires sont aussi responsabilisées puisqu'elles accordent des avantages importants à leurs clients et elles les suppriment d'une manière soudaine. Ainsi le tireur doit obligatoirement remettre tous les chèques en sa possession à la banque qui elle-même est appelée à l'aviser. La nouvelle loi permet d'avoir plus de chances de régulariser la situation avant de passer aux tribunaux. Il convient de noter que les délais de régularisation étaient de trois mois. Après cette date, l'affaire passe au tribunal. Actuellement et avec la nouvelle loi les délais de régularisation sont prorogés jusqu'au jugement définitif.
406 détenus amnistiés et relâchés depuis novembre 2005 L'amnistie présidentielle annoncée le 7 novembre 2005 a touché plus de 3400 condamnés pour des affaires de chèques sans provision. Depuis novembre 2005, environ 406 détenus ont été relâchés de prison. Les autres ont pu régulariser leur situation en vertu de cette amnistie.
Imed Ben Taleb, juge unique :
« L'attestation de régularisation peut être délivrée par la banque » Nous avons actuellement des milliers d'affaires en justice concernant les chèques sans provision. Ce type d'affaires prend généralement beaucoup de temps pour être jugé notamment à cause du manque de juges et du personnel dans les tribunaux. Pour faire baisser ce nombre et atténuer ses impacts négatifs à tous les niveaux, la loi vient d'être amendée. L'amendement de la loi a permis d'instaurer des mesures préventives et d'autres résolutives. Les mesures préventives qui consistent à permettre au bénéficiaire de s'assurer de l'existence de la provision suffisante. Les mesures résolutives consistent en la réduction des procédures et la baisse du montant de l'amende. Celle-ci était égale à 20% du montant du chèque, elle est aujourd'hui réduite à 10%. L'émetteur du chèque devait payer un intérêt équivalent à 17%, il paye aujourd'hui seulement 10%. D'autre part, l'attestation de régularisation n'était accordée que par le tribunal. Actuellement, elle peut être accordée par l'institution bancaire. Les peines sont également allégées et le cumul est possible.
Ines Mâatar, juge : « La banque a une responsabilité professionnelle rigoureuse » Dans son intervention intitulée « la responsabilité des banques en matière de chèques sans provision », Mme Ines Mâatar a souligné que la loi 37 de l'année 2007 a défini le travail de la banque et ses activités en vue d'activer son rôle et de garantir l'efficacité de son intervention pour éviter les conflits lors de l'utilisation des chèques. Il s'agit aussi de faire baisser les cas de non paiement. L'institution bancaire est donc appelée à assumer son rôle de contrôleur avant le paiement du chèque. Il est aussi impératif de prendre toutes les mesures de précaution nécessaires lors de l'ouverture des comptes courants. La banque doit préserver les droits de ses clients. Elle a une responsabilité professionnelle rigoureuse. Ces institutions ont un devoir d'honnêteté, de coopération, de vigilance et de transparence.
Témoignage : « Déficit de communication » « L'affaire a commencé quand je suis allée à ma banque et j'ai demandé d'avoir un nouveau chéquier. Ma surprise était grande quand on m'a informé de l'impossibilité d'avoir un chéquier vu que j'avais une affaire en justice pour non paiement de chèque. Avant cette date, personne ne m'a informé et je n'ai reçu aucun avis. Je suis allée au siège de ma banque pour contacter le service juridique ils m'ont confirmé le problème. Je me suis adressée au tribunal où j'ai donné mon numéro de carte d'identité et là on m'a dit que j'aurais une audience tel jour. Ce qui était inadmissible c'est que je pouvais être jugée par défaut pour non paiement d'un chèque de 60 dinars et je pouvais même être emprisonnée pour ce montant. Je pense que le principal fautif était la banque qui était censée m'aviser et me prévenir et non pas envoyer mon dossier au tribunal. Il y'a un manque ou même une absence de communication et c'est là le défaut majeur du système bancaire et du système judicaire. J'espère que les choses changeront avec la nouvelle loi, mais à mon sens il faut tout d'abord savoir bien communiquer et traiter avec des personnes et non pas avec des comptes. »
Ce qu'il faut savoir sur les nouvelles dispositions du code de commerce Quelques articles de la loi n° 2007-37 du 4 juin 2007: - Si le tireur ne procède pas à la régularisation, il est légalement interdit d'utiliser toutes les formules de chèques qui lui sont délivrées par les établissements bancaires autres que celles utilisables pour un retrait direct ou un retrait à provision certifiée. - Est puni d'un emprisonnement pour une durée de cinq ans et d'une amende égale à quarante pour cent du montant du chèque ou du reliquat de la provision à condition qu'elle ne soit pas inférieure à vingt pour cent du montant du chèque ou du reliquat de la provision : * Celui qui a, soit émis un chèque sans provision préalable et disponible ou dont la provision est inférieure au montant du chèque, soit retiré après l'émission du chèque tout ou partie de la provision, soit fait opposition auprès du tiré de le payer en dehors des cas prévus,- celui qui, en connaissance de cause, a accepté un chèque émis dans les conditions visées à l'alinéa précédent. * Celui qui a aidé sciemment, dans l'exercice de sa profession, le tireur du chèque, dans les cas visés, à dissimuler l'infraction soit en s'abstenant de procéder aux mesures que la loi prescrit de prendre, soit en contrevenant aux règlements et obligations de la profession. Est puni d'une amende égale à quarante pour cent du montant du chèque ou du reliquat de la provision sans qu'elle puisse excéder trois mille dinars, tout établissement bancaire qui refuse le paiement d'un chèque émis par le tireur ayant compté sur : * Un crédit qui lui a été ouvert par cet établissement bancaire et qui ne l'a pas révoqué d'une façon légale, * ou des facilités de caisse que cet établissement bancaire a pris l'habitude de lui consentir pour des montants dont la moyenne est au moins égale au montant du chèque ou du reliquat de la provision, et sans qu'il ne rapporte la preuve de la notification au tireur de la révocation desdites facilités. * A défaut de régularisation conformément aux conditions déterminées, le tireur du chèque sans provision peut, durant les trois mois à compter de l'expiration du délai de régularisation, payer le montant du chèque ou du reliquat de la provision, et un intérêt égal à un taux de dix pour cent calculé par jour à compter de la date de l'établissement du certificat de non-paiement et une amende au profit de l'Etat égale à dix pour cent du montant total du chèque ou du reliquat de la provision et rembourser les dépens avancés par l'établissement bancaire. L'établissement bancaire tiré doit délivrer au tireur une attestation de régularisation au cours des trois jours bancaires ouvrables qui suivent la régularisation. Chaque établissement bancaire doit tenir un registre spécial pour les chèques sans provision - Lorsque l'objet de l'opposition porte sur le vol ou la perte d'un chèque, le procureur de la République doit ordonner l'ouverture d'une information. Les poursuites relatives à l'infraction d'émission de chèque sans provision sont interrompues jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'affaire. Les établissements bancaires sont considérés civilement responsables de l'inexactitude des données La régularisation peut avoir lieu au cours des poursuites et avant qu'un jugement définitif ne soit rendu, et ce, par le paiement du montant du chèque ou du reliquat de la provision, d'un intérêt égal à un taux de dix pour cent calculé par jour à compter de l'établissement du certificat de non- paiement, d'une amende égale à vingt pour cent du montant total du chèque ou du reliquat de la provision et la restitution des dépens. - II peut être procédé à la régularisation selon les conditions prévues auprès du procureur de la République ou, le cas échéant, auprès du tribunal, et ce, pour les dossiers transmis par les établissements bancaires au procureur de la République avant l'entrée en vigueur de la présente loi.