Honoré Daumier, peintre français du 19ième siècle s'est intéressé à ce qu'il appelé « les gens de justice, magistrats auxiliaires de justice et justiciables réunis. Ses caricatures étaient pittoresques en ce sens qu'elles reproduisaient fidèlement l'ambiance du tribunal et cette naïveté des justiciables qui font inconditionnellement confiance à la justice. Or Jean Racine avait déjà, au 17ième siècle dans son ouvrage « les plaideurs », mis en évidence les tares qui affectent la justice, avec des magistrats partiaux et des avocats véreux. C'est ce qui a fait dire d'ailleurs, au Prophète Mohamed à propos des magistrats (cadhis) « Sur trois cadhis, deux iront en enfer » En fait c'est tout le système judiciaire qu'il faut préserver, avec une égalité de tous devant la loi. A ce propos une table ronde sous le thème : la justice après la Révolution a été organisée dernièrement par l'Association de recherche sur la démocratie et le développement. Le magistrat Mejda Ben Jâafar, a dans un brillant exposé, démontré les tares d'une justice à double vitesse, où le président déchu n'a laissé aucune possibilité au magistrat d'exercer sa profession en toute liberté et selon son âme et conscience et ce, durant plus de 23ans. Et le justiciable dans tout cela ? Il serait, selon la brillante dame de loi, quelque part responsable, voire complice, et ce, notamment par l'encouragement de certains à la corruption et aux injustices. En fait le système judiciaire n'est que le reflet du système politique. Ibn Khaldoun dans ses prolégomènes a affirmé que la justice est la base de toute civilisation. Cela implique, pour qu'il y ait une bonne justice, que soit garantie une indépendance judiciaire qui permette au juge d'être impartial. Me Mejda Ben Jâafar a également fait allusion à la situation matérielle du magistrat qui n'est pas glorieuse. Comment éviter qu'un magistrat ne soit pas tenté, sans penser à sa situation matérielle ? Le magistrat anglais est connu sous la métaphore de « Monsieur chèque en blanc », car il n'a jamais de problème de chèque impayé. Evidemment, cela ne veut pas dire qu'il peut payer des milliards par chèque, mais au moins il a cette garantie de pouvoir vivre aisément et dignement. Bref, en cette période de transition démocratique, il faut conjuguer les efforts en oeuvrant à faire changer tout d'abord les mentalités. La justice c'est l'affaire de tous. Le justiciable doit œuvrer à éclairer la justice, en évitant de recourir aux turpitude afin de ne point occulter la vérité. La décision du magistrat est largement tributaire de l'attitude du justiciable et des éléments qu'il présente dans un dossier. Le juge pénal, qu'il soit juge du siège ou du parquet, tend à la recherche de la vérité là où elle se trouve. Il instruit à charge et à décharge et rend ses décisions en toute impartialité et en son âme et conscience, bien qu'il ait un pouvoir souverain d'appréciation. C'est pour cette raison qu'il faut d'une part qu'il ait une situation matérielle digne afin qu'il puisse exercer sa fonction en toute sérénité. Cela implique également qu'il ne doit subir aucune influence ni aucune pression, de quelque bord qu'elle soit. L'indépendance de la justice doit faire partie de notre civilisation arabo-musulmane et de notre culture. Les premiers cadhis de l'Islam, qui étaient désignés par le Khalife Omar Ibn Al Khattab, ne subissaient aucune influence,ni par le gouvernant ni par l'Imam. Dans un écrit adressés par à l'un des magistrats, Abu Moussa Al Achâari, Ledit Khalife exhortait ce dernier à ne juger que selon des preuves tangibles et en l'absence de celles-ci, selon sa conscience. N'est-ce pas là, l'essence même de l'indépendance de la justice ?