Le Temps-Agences- Le président Bachar Al-Assad a promis hier des réformes susceptibles de mettre fin à l'hégémonie de son parti en Syrie tout en se disant déterminé à faire cesser le «chaos», mais les opposants, loin d'être satisfaits, ont appelé à poursuivre la révolte jusqu'à la chute du régime. Des manifestations hostiles au régime ont éclaté dans différentes régions de Syrie après le discours de M. Assad, selon des militants des droits de l'Homme. Dans un discours à l'Université de Damas, sa troisième intervention publique depuis le début le 15 mars du mouvement de contestation, M. Assad, qui a aussi parlé de «complot» contre son pays, n'a pas annoncé de mesures concrètes immédiates. Devant une salle comble qui l'a accueilli avec des applaudissements et des slogans à sa gloire, il a expliqué que les réformes envisagées ne pouvaient être décidées dans la précipitation, proposant d'attendre l'élection d'un nouveau Parlement prévu en août pour leur examen. «Pas de réformes à travers le sabotage et le chaos», a-t-il lancé tout en appelant à un «dialogue national qui pourrait aboutir à des amendements de la Constitution ou à une nouvelle Constitution», et évoquant la possibilité «d'amender certaines de ses clauses, notamment la clause 8». Cette clause fait du Baas le «parti dirigeant de l'Etat et de la société» en Syrie depuis 1963. Son annulation est l'une des revendications principales de l'opposition. «Il y a certainement un complot» contre la Syrie, a d'autre part affirmé le chef de l'Etat. «Les complots sont comme des microbes qu'on ne peut éliminer, mais nécessitent que l'on renforce notre immunité». Les opposants, les militants pro-démocratie et les manifestants syriens réclament aujourd'hui la chute du régime et des élections libres, en plus de l'annulation de la clause 8. «Nous jugeons inutile tout dialogue qui n'aboutirait pas à tourner la page du régime actuel», ont répété les Comités locaux de Coordination, une ONG syrienne qui chapeaute les militants organisant les manifestations, après le discours de M. Assad. Ils ont appelé dans un communiqué à poursuivre «la révolution jusqu'à la réalisation de tous ses objectifs», estimant que le discours «consacre la crise». L'avocat des droits de l'Homme Anouar Bounni, qui vient de purger une peine de cinq ans de prison, l'a jugé «décevant». «Une véritable solution politique est basée sur des conditions qui n'ont pas été évoquées comme le retrait de l'armée des villes et le respect du droit à manifester pacifiquement». M. Assad a fait la distinction entre les manifestants qui, a-t-il admis, ont des revendications légitimes et les «saboteurs». «Nous distinguons entre ceux-là et les saboteurs qui représentent une petite partie qui a tenté d'exploiter la bonté du peuple syrien pour arriver à ses fins». «Les responsables de l'effusion de sang rendront des comptes», a-t-il dit alors que la répression des manifestations a fait plus de 1.300 morts parmi les civils, selon des ONG syriennes. «Il est du devoir de l'Etat de poursuivre les saboteurs, il n'y a pas de solution politique avec ceux qui ont porté les armes», a lancé le président. Il a parallèlement brandi le risque d'un «effondrement de l'économie syrienne», jugeant nécessaire de lui «redonner confiance». L'UE prête à renforcer ses sanctions L'Union européenne a annoncé hier un renforcement de ses sanctions à l'encontre du régime syrien, avertissant que la «crédibilité» du président Bachar Al-Assad pour rester au pouvoir dépendrait des réformes promises. Lors d'une réunion à Luxembourg, plusieurs ministres européens des Affaires étrangères ont également appelé le conseil de sécurité de l'ONU à leur emboîter le pas, critiquant la menace d'un veto russe. L'UE «prépare activement le renforcement de ses sanctions contre la Syrie par des désignations additionnelles», indique un communiqué adopté par les ministres. La «crédibilité et le leadership» de Bachar Al-Assad «dépend des réformes qu'il a lui-même promises», précise le document. Selon des sources diplomatiques, les travaux se poursuivent au niveau des experts en vue de décider d'ici la fin de la semaine d'ajouter une quinzaine de noms de personnes et de sociétés liées au régime à la liste. «Les nouvelles de Syrie sont très inquiétantes, ce sont des images inhumaines qui nous parviennent», a dénoncé le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle. «On n'est plus très loin d'une guerre civile», a jugé son homologue luxembourgeois, Jean Asselborn. Dans sa déclaration, l'UE a «reconnu» le rôle de médiateur de la Turquie, qui a une grande influence sur le président syrien, et s'engage à «coopérer» avec elle et d'autres partenaires régionaux pour faire face à la crise syrienne. Mais l'UE a beau renforcer ses sanctions, «aussi longtemps que nous avons le silence du Conseil de sécurité de l'ONU nous sommes dans une situation difficile», a déploré le chef de la diplomatie suédoise, Carl Bildt.